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Yellow River (黃河)
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Nouvelle Rome

(Carte postale du vieux monde…)
L’air manque, les idées pourrissent, mon spectre reste sur le quai
Les yeux dans le vide à attendre le paquebot de la liberté
Revenu des mers agitées, de là où les vents soufflent fort
Sur ces peuples qui n’ont même plus le choix de la passivité
Ici pourtant c’est encore dans le calme et dans le silence
Que les plans de nos ennemis se mettent en place et avancent
Tranquillement, et le sang qui gicle sur les vitrines de la ville
N’inquiète pas pour le moment et c’est presque trop facile
Tout est chiffré, fruit d’équations, pourtant rien n’est logique
Même si tout ce qui nous concerne est transposable en numérique
Le meilleur de nos milliards de données analysées
Publicités sur mesure sous nos yeux, sur nos trajets
Les acteurs crèvent l’écran, sortent des tablettes, des iPhones
Des affiches dans les transports nous appellent par téléphone
La télévision t’agresse, te réclame dans ses programmes
S’invite à table, s’occupe des disputes familiales
Elle règle les débats, martèle les idées dominantes
Et sa vérité, quelle qu’elle soit, devient vite envahissante
Elle se hisse au sommet, devient décisionnaire
De ce que tu es en droit de penser et en devoir de faireDans la cité plébéienne, les ombres ploient sous la machine
Marchent au pas et chinent pour leur pitance quotidienne
Tout en haut de la montagne, les Romains observent
Et piochent dans les réserves…Tant de territoires explorés, en vain, de la boue dans nos cheveux
Et nous traînons encore et certains sont sur les genoux
Mais pour aller jusqu’où ? Vers le repentir ou la gloire,
La terreur ou la victoire, dans l’horreur ou dans l’espoir ?
Des ports arrivent les pires des vendeurs de mort
Contre un billet vert ou une action, tout le monde sort
Se rouler dans la fange et danser avec les loups
Ils pensent être libres mais sont mentalement dépendants de leurs gourous
Sous le joug d’idées de plus en plus nauséabondes
Même ma bande se rétrécit et fleurte avec l’immonde
Un monde aux pieds des puissants rêve d’une aube dorée
Ils sont déjà là même si tu cherches à les ignorer
Regarde-les prendre de l’assurance et grignoter le terrain
Recourir à la violence, tout ça a déjà été trop loin
Triste Europe rampante, vieux continent ignorant
Gouverné par la pègre et les populistes fascisants
Tandis que les capitaux circulent et que la dette se propage
Les maîtres de la finance mettent des actions sur le carnage
Le citoyen se délite, dans la finance se perd
Un crédit sur sa vie en guise de seul repèreDans la cité plébéienne, les ombres ploient sous la machine
Marchent au pas et chinent pour leur pitance quotidienne
Tout en haut de la montagne, les Romains observent
Et piochent dans les réserves…
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La Transe du Transsibérien (Musique)

Le texte de « La Transe du Transsibérien » (évidemment une référence à « La Prose du Transsibérien » de Blaise Cendrars) a été écrit durant les quatre jours de voyage (du 16 au 20 Juin 2017) entre Oulan-Bator et Moscou à bord du train « N°5 » (l’un des quelques trains pouvant être qualifiés de « transsibérien »).
L’instrumental a été composé avec l’aide de Greg (La Dernière Mesure) et sera publié sans le texte dans quelques jours sur Soundcloud, le visuel est signé Malka.
À la mère ferroviaire, nous sommes tes enfants
sortis d’entre tes rails, nous allons constamment
traversant des villages, sillonnant des pays
le paradis n’est nulle part, le paradis est ici
preneurs de wagons-lits, avaleurs de lunes
nomades des caravanes ayant perdu fortune
grands enfants sans attache, autre que le détachement
sans vraie destination, juste voyageurs, errants
au matin les cafés, à l’eau du samovar
des villes en cyrillique sur le fronton des gares
des gamins égarés et des chiens solitaires
sur les quais couleur craie des cités ouvrières
abords de Krasnoïarsk, le train tousse et s’arrête
des silhouettes fatiguées descendent de leurs couchettes
tous les visages du monde qui s’éveillent et baillent
figurants de la vieille et grande histoire du railÀ la mère ferroviaire qui nous mène des montagnes
à la mer éternelle, des villes à la campagne
ta couleur est la nôtre, celle de la Terre entière
quand tes serpents géants nous raccordent à nos frères
sur des sillons de fer éventrant les terres brunes
les champs, les vallées blondes éclairées par la lune
la nuit vient quand elle veut, le tempo a changé
même si la loco suit son rythme régulier
en roulant à travers les dimensions du temps
et ces faisceaux horaires foutus arbitrairement
inévitablement, nous prendrons l’horizon
ses rivages, ses forêts, ses isbas, ses saisons
fusion des sentiments dans cette grande somnolence
et ça pourrait durer autant que dure l’existence
c’est la grande traversée, l’Age de Sibérie
il faut le temps mais un jour nous sortirons d’iciÀ la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos frères sur les rails, tous ceux qui sont partis
parcourir des sentiers, pas conquérir la Terre
À la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos sœurs sur les rails, toutes celles qui sont parties
parcourir des sentiers, pas conquérir la TerreDe vieilles Lada bleues derrière des barrières de bois
des survêts Adidas 1983
la mode féminine bloquée sur Samantha Fox
et les couleurs criardes dans les cimetières orthodoxes
les usines de l’ex-URSS à l’abandon
bouffées par la taïga ou la défaite du béton
non loin de là, les marécages ont fait leur place
pas un homme qui vive, non rien qu’un train qui passe
tout ça et bien plus s’offre à nous sur le parcours
la transe du transsibérien puisse-t-elle durer toujours
ces paysages jetés en pâtures à nos regards
quand tu parcours le monde, tu sais qu’il reste de l’espoir
dans ces vieilles gares, sur ces sentiers sinueux
et plus ça vaudra le coup, plus ce sera aventureux
quitte à se brûler les yeux et quant à finir saoul
ce n’est plus une option, c’est la vie et c’est toutÀ la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos sœurs sur les rails, toutes celles qui sont parties
parcourir des sentiers, pas conquérir la Terre
À la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos frères sur les rails, tous ceux qui sont partis
parcourir des sentiers, pas conquérir la TerreSillonnant l’Est en provenance des steppes arides
où rien ne pousse, des dunes de sable jaune
nous pénétrons maintenant en territoire humide
avant de réintégrer, bientôt, pour de bon la zone
les bâtiments mangent petit à petit la terre
se regroupent et font barrage comme une frontière
on remue la poussière depuis des jours maintenant
le wagon transformé en grand appartement
en auberge espagnole, des russes, des hollandais
des belges, des mongols, des chinois, des français
toutes les langues sont parlées, surtout celles sans paroles
celles des signes, celles des gestes, celles de l’alcool
et la vodka voisine avec cafés, thés noirs
dans les compartiments, personne au wagon-bar
ça sort dans les couloirs, ça attend les arrêts
ça achète tout un tas de curiosités sur les quaisC’est encore un monde à part, c’est un ailleurs
aujourd’hui dans le brouillard, demain dans la chaleur
dans des décors kitsch ou dans des villes nouvelles
des cathédrales, des yourtes, des gratte-ciels
un soleil soviétique se couche sur l’horizon
se cache et laisse la nuit gérer nos émotions
malade de passion, des fois le corps gémit
rage de dents, lumbago, épuisement, insomnie
mais le monde s’ouvre à nous, le ciel peut attendre
on fait fi des nombreuses conneries qu’on peut entendre
à rester hors du cadre, on s’attire les foudres
et on sait que tout un tas de bureaucrates veulent nous dissoudre
dans la paperasse, dans le travail et l’effort
pour trois mots de travers, nous retirer nos passeports
tout le monde est à son poste, le nôtre est mouvant
même allongés nous restons en mouvementÀ la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos frères sur les rails, tous ceux qui sont partis
parcourir des sentiers, pas conquérir la Terre
À la mère ferroviaire, pas à la mère patrie
ne priez pas pour nous, nous ne partons pas en guerre
à nos sœurs sur les rails, toutes celles qui sont parties
parcourir des sentiers, pas conquérir la TerreDans un état second une bonne partie du temps
constamment pris dans la fièvre des événements
nous allons, c’est ici que nous sommes chez nous
la destination n’est qu’un prétexte après tout.Manu (La DM/Zuunzug), 2017.

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