• Société Anonyme

    Un texte écrit peu de temps après notre voyage en Californie en 2014, il m’a été inspiré par le quartier d’affaires (Financial District) de San Francisco, mais il peut aussi s’appliquer à La Défense ou à n’importe quel autre sinistre « quartier d’affaires » à travers le monde…

    Financial District S.F.

    Passe, trace ta route sous ton masque de fer
    peu de regards se croisent dans le quartier d’affaire
    assortiments de figures presque identiques
    pour presque la même étique, une sorte de no futur
    le tic tac à court terme, transport express
    le regard fuyant dans les effluves du stress
    là-haut, l’adresse, la même, toujours
    combien de fois le tour du monde pour un même parcours
    il, déjà fantôme d’un monde fini
    recherche ressources pour continuer d’entretenir l’ennui
    sociétaire du désastre à venir, sûr
    surendetté malgré de belles primes sur salaire
    serre le dents dans les rues froides, sous les tours
    certaines lumières ne s’éteignent jamais alentour
    et lui qui suit la lanterne, guidé par un malade
    interminable balade…

    Des balles de pluie perlent sur les pare-brises
    bousculades de regards vides sur les trottoirs de la crise
    dans la cohue, accélère, ne perds pas ton berger
    cynique conseiller, éclaireur imaginaire
    les routes se ressemblent et toutes mènent ici
    comme sous le dôme, il n’y a peut-être aucune sortie
    et de l’autre côté du rêve, des hordes de clochards
    en guenilles te menacent au bout de tes cauchemars
    réveille-toi, si tu n’es pas déjà éveillé
    hélas, il se pourrait que si, dans ce cas tu es enfermé
    la nuit ne dort jamais dans les bâtiments de verre
    de minuit à six heures, il y a toujours de la lumière
    tubes néons, comme des phares, éclairent la baie
    bouches béantes de buildings prêtes à tout dévorer
    tous dans un rêve éveillé et des villes voisines
    cette vision de l’enfer fascine…

    Alors il tente de filer entre les gouttes grises
    et les ectoplasmes en chemise sur les trottoirs bondés
    dans le brouillard, grisé par ses nuits sans sommeil
    malgré les cachets avalés, comme les bouteilles
    aucune étoile ne brille, la grisaille a tout eu
    et la terreur s’empare de lui, comme d’autres bien entendu
    anonymes dépourvus de nom, ou presque
    qui affichent une mine sérieuse sur leur visage grotesque
    les taxis tracent, ne font que passer
    mais ici le manège-menace ne s’arrête jamais
    même si tout s’écroule, que les murs moisissent
    le chien berger ramènera le troupeau dans la bâtisse
    que ce soit une lumière factice ou une menace
    quelque chose doit lui faire savoir où est sa place
    et le plan de la ville déteint déjà sous la pluie
    il est temps qu’il rentre chez lui…

    Au delà du quartier des finances, tout n’est que vice et crime
    alors qu’il garde son poste dans la société anonyme
    la brume, la bruine, en vérité tout est voulu
    et quand les emmerdes arrivent, les éléments évoluent
    à une rue du bonheur ou à une rue de la mort
    les clochards ne sont ici que pour les besoins du décor
    hors-cadre, toutes les menaces seront suggérées
    des fois qu’il veuille les tester…
    en attendant, chaque minute, ou presque, le métro dégueule
    expulse de sa bouche une foule immensément seule
    et là-haut où les balayeurs rendent l’univers moins sale
    l’illusion est totale et on ne compte plus les heures
    à entretenir un leurre, un soi-disant paradis
    il, déjà fantôme d’un monde fini
    et vu d’ici, d’une ville voisine, cet enfer fascine
    mais vous êtes éveillés…

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    Texte : Manu
    Photos : Manu & Malka

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  • « Vendredi après-midi dans l’univers… » (Critique du « Vieil Ange de Minuit » de Jack Kerouac)

    La publication française de « Vieil Ange de Minuit » (« Old Angel Midnight » en version originale) propose trois textes de Jack Kerouac.

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    Le premier est bien sûr « Vieil Ange… », un long texte en prose tout droit sorti des carnets d’écriture automatique de Kerouac. Découpé en une soixantaine de paragraphes pour moins de cent pages, la fulgurance poétique y côtoie les babillages sans queue ni tête et on passe, en quelques lignes, du grandiose au ridicule sans que cela ne semble gêner l’auteur le moins du monde ! Un texte réellement étrange, probablement écrit sous l’influence de diverses drogues et où Kerouac laisse son esprit fou guider sa plume. Pas de relecture, peu de ponctuation, Jack transmet ce qu’il a dans le crâne sans s’attarder sur les formes, de la prose spontanée de haut-vol, un texte déroutant, pour les fans purs et durs !

    Le deuxième texte, « citéCitéCITE », est une nouvelle de science-fiction à la William S. Burroughs, c’est clairement une curiosité dans l’œuvre de Kerouac et pour tout dire ça ne marche pas vraiment, l’écrivain ne s’y essayera d’ailleurs pas deux fois…

    Troisième texte : « Shakespeare et l’outsider ». Quatre pages en prose autour de l’œuvre du barde immortel, sympa mais pas indispensable.

    En clair, « Vieil Ange de Minuit », dont Jack Kerouac a dit qu’il s’agissait du seul livre dans lequel il se soit permis de dire absolument tout ce qu’il voulait de la manière dont il le voulait, est un recueil qui s’adresse avant tout aux kerouackiens avertis, ne surtout pas commencer l’œuvre du Jack par cet ouvrage, ça en rebuterait plus d’un !

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    Extraits : « Sois gentil avec le crabe monstrueux, il n’est qu’un autre arrangement de ce que tu es toi – « 
    « Oï, la Russie, il y a de drôles de dessins sur rouleaux ruminés à minuit sur des cahiers gribouillés que nous ne verrons jamais – « 

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    Ceci est la deuxième publication d’un projet de passage en revue de l’œuvre de Jack Kerouac. Les articles auront des formes diverses et variées et des buts indéfinis, il pourra s’agir de critiques, de résumés ou encore de divagations ou de parallèles avec des expériences personnelles… Voilà ! Premier article ici : Big Sur.

    Manu

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