• Zagreb, premier passage

    26 Juillet – 1 Août 2021

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    Rundek Cargo Orkestar (Darko Rundek) : Zagrebačka magla (La brume de Zagreb), live :

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    D’abord logé à Gajnice, très à l’ouest du centre-ville, on prend souvent le tramway à la station terminus Črnomerec et je deviens rapidement fan de ce lieu plein de kiosques, de stands, de cafés et de pekare (pekara/pekarnica, sortes de boulangeries où l’on vend toutes sortes d’en-cas et qui sont pour certaines ouvertes toute la nuit). Nos trajets se font sur la ligne 11 qui traverse tout Zagreb d’ouest en est et qui donne son nom à un des groupes pionniers du hip-hop croate, Tram 11. C’est le retour dans la ville, avec un grand Z, et j’ai toujours adoré zoner en ville.

    On traîne d’abord à Gajnice puis on découvre le centre-ville avant d’aller nous perdre volontairement dans différents quartiers. On squatte les terrasses du Spunk, du Mali Medo et de quelques autres, on marche des heures et on rentre tard la nuit tandis que la nature reprend ses droits à Črnomerec

    Malka retourne ensuite en France et je prends un lit dans une auberge de jeunesse bondée où la clim tourne à plein régime jours et nuits. Je partage ma chambre avec un croate, deux américains, un anglais et un turc. L’auberge est située tout près du stade Maksimir où joue le Dinamo Zagreb, mais je traîne plutôt à côté, dans le grand parc du même nom ouvert 24 heures sur 24. Je projette de randonner sur la montagne Medvednica mais – est-ce le manque de temps, la chaleur écrasante ou juste une histoire de flemme – je finis par y renoncer.

    Je continue d’explorer la ville, prends le frais dans le tunnel Grič et me procure une compilation de musiques actuelles croates. J’y découvre plusieurs groupes et en découvrirai beaucoup d’autres par extension – voir Rayon Découvertes #4 – mais la « brume de Zagreb » chanté par Darko Rundek, ça reste quand même vraiment le top.

    Après six jours à Z, je refais mon sac, marche jusqu’à la gare routière et pars explorer une autre ville…

    À suivre : Osijek.

    Manu

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  • Zagreb, deuxième passage

    7 – 11 août 2021

    « Sketches from Croatia » est la bande-son d’un mois en Croatie (13/07/2021 – 11/08/2021), les enregistrements ont été réalisés à Zadar, Split, Osijek, Vukovar, Zagreb et sur la route entre ces différentes villes…

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    Mon deuxième passage à Zagreb était rempli de trucs à faire liés à mon retour en France, ça puait la fin. En plus, puisque je rentrais le 12 août, j’allais revenir dans un pays qui avait adopté le pass sanitaire et cela me rendait malade rien que d’y penser. Toutes les choses que je pouvais encore faire en Croatie – boire un verre dans un bar, aller au restaurant, au cinéma, prendre des bus longue distance – je ne pourrais plus les faire « chez moi », sauf à me soumettre à des obligations et des contrôles décidés par un gouvernement ne m’ayant jamais représenté en rien… Je n’avais donc pas vraiment envie de revenir, c’est le moins que l’on puisse dire, mais je n’avais plus un rond en poche et impossible de rester plus longtemps sauf à faire comme les très très pauvres de Croatie : ramasser les bouteilles en verre et en plastique dans les poubelles pour les amener à la consigne et gagner quelques lipas (centimes). Mais évidemment je n’en étais pas là, c’était juste une digression pour expliquer comment les gens qui n’ont rien survivent ici…

    J’ai passé deux nuits dans une petite auberge de jeunesse avant de prendre un apartmani dans le Novi Zagreb, tout au sud de la ville. C’était de loin le quartier le moins intéressant où j’ai logé ici, une sorte de banlieue pavillonnaire pas vivante pour un sou, le seul endroit à Zagreb qui ne m’ait pas beaucoup plu…
    Je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer pour autant, j’avais mille choses à faire et une grosse envie de profiter de la ville avant de rentrer. J’ai donc usé mes heures dans les rues et les tramways, sur les boulevards et les terrasses, dans les parcs et les bars, les musées et les pekare (même Tesla n’a rien inventé d’aussi génial). Enfin, pour finir, je me suis tapé une virée à l’aéroport Franjo-Tuđman pour y faire un test antigénique le matin même de mon départ. J’ai été lesté de 250 kunas (33€) et un gars vêtu d’un short et d’une chemise blanche pouvant vaguement laisser entendre qu’il travaillait dans le domaine hospitalier m’a mis un coton-tige dans le nez. Un quart d’heure plus tard, j’avais mes résultats et je quittais l’aéroport pour la gare routière, car évidemment je ne rentrais pas en avion…

    Sur la route du retour en France, nous avons traversé les plaines de Slovénie jusqu’à Ljubljana, sillonné l’Autriche et roulé jusqu’à Munich avant de redescendre vers la Suisse où nous sommes arrivés au petit matin. Nous avons été contrôlés six ou sept fois, l’Europe sans frontières ayant quelque peu revu ses soi-disant valeurs depuis qu’un virus a complètement déréglé son fonctionnement et les systèmes de santé des États qui la composent…
    La plupart des gens avec qui j’ai parlé sont descendus en Suisse – comment leur en vouloir ? – mais le reste du convoi a fini par arriver à Lyon après plus de vingt heures de route. En sortant du bus, nous avions tous des visages fatigués, pâles, nauséeux, et nous avions probablement partagé bien des bactéries, voir pire, durant ce long périple…
    Dans ce moche bus vert, il y avait ceux qui rentraient chez eux et ceux qui en partaient, d’autres encore voyageaient entre deux destinations très loin d’où ils venaient. Il y avait des brésiliens, des suisses, des croates, des français, des ivoiriens, des slovènes, des allemands et sûrement encore quelques autres nationalités… J’espère que tous ont réussi à aller là où ils voulaient.

    « J’irai dorénavant promener sur les routes l’ennui vague de mon désir. Tes chambres abritées m’étouffent et tes lits ne me satisfont plus. – Ne cherche plus de but désormais à tes interminables errances… »

    André Gide

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  • Broken World VII

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    Bâtiments abandonnés, vitres brisées, murs tagués, gouttières rouillées, maisons vides, toits en tuiles qui s’effondrent, stations essence décrépites, journaux poussiéreux, vieux magazines humides, mauvaises herbes envahissant les terrains vagues, paniers de basket sans filets, couloirs souterrains, immeubles gris, taudis, hôtels miteux, fantômes, bienvenue dans la catégorie d’articles Broken World. Alors que le « monde d’avant » est bel et bien en voie de disparition et que les choses changent à une vitesse phénoménale, voilà le septième épisode de la « série ». Il jette un regard sur ce qui était et n’est quasiment plus, la partie détruite de nos villes et de nos villages où je me plais à errer, à perdre mon temps, probablement plus par amour des choses et des gens vaincus, cassés, démolis, que par nostalgie. Les photos qui suivent ont été prises en Croatie (Zagreb, Osijek, Vukovar, Gospić, Smiljan), en Belgique (Gent, De Panne) et en France (Dunkerque, Le Mans).

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    Une ancienne fabrique d’huile alimentaire (1916-1986).
    Les catacombes d’Osijek. Nina was here…
    « Notre vraie vie n’est pas ailleurs, elle est ici / Nous sommes au monde, on nous l’a assez dit. »
    Vukovar, une ville presque entièrement détruite lors des affrontements entre les armées serbe et croate en 1991. Le chateau d’eau, criblé de balles et d’obus mais toujours debout, est devenu le symbole de la ville.
    Camping à l’abandon envahit par le sable, De Panne (La Panne).
    A Gent (Gand), ancienne place forte de l’industrie textile, tout est désormais en travaux, j’ai adoré cette ville…
    « On devrait par exemple pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à les changer. »
    30.05.2021
    « Tout cela aussi est caché derrière les néons rouges des réclames agressives qui peuplent les façades de nos vies désespérées. »
    Osijek, Hrvatska.
    Tu regardes par un carreau cassé au hasard d’une rue et voilà sur quoi tu tombes. C’est tellement poétique que tu penses une minute qu’il s’agit d’une installation, d’une mise en scène, mais non, c’est juste un appartement abandonné.
    Smiljan, village de naissance de Nikola Tesla. (C’est un vrai mec pas une voiture d’Elon Musk…)
    Un hiver, dans une France morte et sous couvre-feu.
    10.8.2021
    « Comment ne pas assumer la condition de brebis galeuses – ou si vous préférez d’hérétiques – de ces mondes-là. »
    Une usine, fermée depuis longtemps, sur les bords de la Sarthe…
    30.4.2021
    Petite exposition dans un bar en Croatie. Tout le monde déteste la police…
    En mode camping.
    Sculpture dédiée aux opposants et aux victimes du nazisme et des oustachis, Zagreb.
    Hellcom to Sjenjak…
    « L’histoire ne fait rien, c’est l’homme, réel et vivant, qui fait tout. »

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    Citations : Léo Ferré, Francis Scott Fitzgerald, Jack Kerouac, Patrick Drevet, Karl Marx.

    Photos & textes : Manu – Zuunzug.

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