Zonards des grands Z'espaces
Désertz
Vingt-et-un jours d’errance dans le désert et la démence
Mon corps se meut dans l’espace comme une espèce de dernière danse
J’ai poussé à bout mes croyances, j’aperçois le bout de la route
Et je n’ai fait qu’errer sans fin dans les mirages et dans le doute
Il n’y aura pas de catharsis, ni à Smara ni en Harar
Où Arthur m’a vendu des armes hors d’usage sous un soleil noir
Les clefs n’étaient pas perdues, juste gardées jalousement
Dans une boutique au bas de la rue, et je le sais maintenant
Maintenant que ma peau est tannée comme celle d’un rat du désert
Que les grosses motos grondent et qu’elles font trembler la terre
Que les journées s’allongent, s’éternisent, oublient la nuit
Que les collines dégoulinent comme les pendules de Dali
En partant je m’étais saoulé méthodiquement sous les toits de Paris
Précis comme un dresseur de puces, à la Campus et au whisky
Traîné dans des bars interlopes, savouré des ambiances louches
Fini avec un goût de verre et un goût de sang dans la bouche
Il aurait fallu que je me couche, bon dieu que j’ai la tête vide
Quand je rentre en titubant et en écoutant du Lou Reed
Mais le diable est une femme prude, Paris s’ennuie, Paris s’endort
Car Paris s’attire des emmerdes dès qu’elle dégueule un peu trop fort
Alors le bonisseur m’a dit : « Encore une nuit, attends demain
Dans notre barnum y’a de la folie et de la fortune pour tes deux mains. »
C’est ainsi que je suis parti dans une carriole cahotante
Sur une rythmique chaotique, traçant des sentiers qui serpentent
Je suis éjecté d’une porte et j’atterris sur un quai
Une pendule dont je ne connais le nom me regarde et se tait
Et c’est encore une gare vide, là où vont et viennent les fantômes
Est-ce ici qu’un jour on joua à faire jaillir les atomes ?
Les spectres se multiplient mais rien que des visages vides
Je me sais au bout du rouleau, dans la vitre un regard livide
Me renvoie à ma fatigue, quand dans un éclat de lumière
Apparaît une gitane traînant des bottes pleines de terre
Une épaisse chevelure noire, ses cheveux n’en finissent plus
Comme la profondeur de ses yeux, noirs bien entendu
Des cageots entre les bras, là elle m’accorde un sourire
C’est la première fois depuis des jours que je n’ai plus envie de mourir
Une vieille valse morbide voguait comme un vautour dans l’air
Flottait en apesanteur, virevoltait dans le vent du désert
Je ne suis toujours pas servi ou je n’en ai pas eu assez
La rigidité des assis me pousse vers des zones de danger
Ainsi je poursuis ma route aux grès des pertes et des conquêtes
Les portes qu’on ouvre, les femmes qu’on quitte, l’inutilité des quêtes
Et les caprices du monde entier, ainsi naquit ma colère
Ces hommes en bleu ne sont pas touaregs et même au milieu du désert
L’étau de la sûreté se resserre, les sentiers sont tracés
Checkpoints, contrôle des frontières, fouilles au corps, pièces d’identités
Certains poursuivent leur chemin, d’autres poursuivent les méchants
Certains profitent de l’instant mais beaucoup courent après le temps
Maintenant la maison brûle, les fakirs dansent sur les braises
Les squelettes des poutres ondulent, même les fantômes se taisent
Il ne reste que des cendres, au loin le soleil rougeoie
Sur un décor noir de suie, les arbres, les pylônes et moi
Ne me demande pas pourquoi j’ai fui quand la colline s’est embrasée
Et j’entends encore les cris des gens que j’ai dû abandonner
Sous le soleil il paraît que l’été incendie les moissons
Je ne reviendrais plus jamais, c’est moi qui ai brûlé la maison
Avec l’aide des cracheurs de feu, Béhémoth au bout de la laisse
Au cours d’un rêve fiévreux, perdu entre sueurs et stress
Et l’artiste pyromane s’est pris pour Néron à Rome
Là il rêve de Reichstag et de zeppelins gonflés à l’hydrogène
Les routes se mélangent à l’arrière, à moitié mort sur les sièges
Quand tu mates les étoiles et te demande où est-ce qu’on t’emmène
Réverbères, ciel et tours, à la nausée, pendant des heures
Mais jusqu’où sommes-nous censés dériver comme ça encore ?
Je vois celle qui m’a sauvé, les yeux fixés sur l’horizon
Moi, étalé sur la banquette, entre désespoir et passion
Perdu au milieu de nulle part, comment faire un choix ici
Quand on a perdu ses repères et ses certitudes aussi ?
Les sorcières de Salem sont pendues aux réverbères
Sur les aires d’autoroutes pour dissuader les rêveurs
Alors on court vers ailleurs, là où les clochards ont le sourire
Chercher la maison en carton de l’homme qui vit sous l’arroseur
Le brave, vénérable et révéré videur des lieux
M’administre un dernier coup pensant qu’après ça j’irais mieux
L’amour m’a laissé ici, mon séjour touche à sa fin
De cohérent, de logique, de réel, il n’y a plus rien
Toutes les villes sont éphémères, les terrains vagues et les bayous
Éclairés par la girafe avec le phare autour du cou
Je n’ai plus nulle part où aller, peut-être serait-il bon rentrer chez moi
Retrouver l’horreur du travail et les rigueurs de la loi
J’ai vu une autoroute perdue sur le rebord d’un square de junkies
On a voulu me montrer le chemin, je n’ai pas marché sur celui-ci
Moi aussi, après le Bourgogne je suis passé à plus corsé
Là il est temps que je rentre à Paris, je crois bien que j’en ai eu assez
Manu (Zuunzug / La Dernière Mesure) – 2010
Pas pu écouter la miuz (la faute à mon ordi) mais bien aimé le texte!
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Cool! Je l’ai surtout (re)publié pour le texte, qui date de 2010 mais qui sonne d’une manière particulière en cette période de confinement…
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💪👌👍
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je crois bien que j’en ai eu assez … du Bourgogne ?!!! …
Moi j’aurais bien continué la dérive.
Du coup j’ai chipé les premières lignes (pas eu le temps de tout prendre ..)
pour les mettre en épilogue
J’espère que tu ne m’en voudras pas de cet « emprunt »
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Au contraire, ça me fait très plaisir que tu empruntes un morceau de ce texte ! Pour info, il a été écrit il y a presque 10 piges et la rime sur le Bourgogne, c’est une référence à un morceau de Bob Dylan (Just Like Tom Thumb’s Blues) où Bob dit en gros que ça ne lui suffit plus et qu’il veut passer à quelque chose de plus fort ! 😀
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