Zonards des grands Z'espaces
En juin 2021, j’ai fait une marche sur la Côte d’Opale, de La Panne à Dunkerque, soit un peu plus de vingt kilomètres à longer la mer sur la plage. À plusieurs reprises, de violentes averses m’ont obligé à aller me réfugier dans les seules choses proches capables de m’abriter : des blockhaus. Entre Bray-Dunes et Leffrinckoucke, ce n’est pas ce qui manque et j’en étais très heureux car il n’a pas arrêté de pleuvoir… Parfois bloqué pendant assez longtemps dans ces abris un peu sinistres, j’ai fini par faire des enregistrements avec mon Zoom H4N histoire de passer le temps. La base du morceau Antiblockhaus – le crépitement que l’on entend tout au long de la piste – vient de là, il s’agit du bruit de la pluie sur le sable capté de l’intérieur de mon bunker…
Antiblockhaus n’est pas un plaidoyer contre ces très romantiques ouvrages militaires qui m’ont servi d’abris, le préfixe anti signifie ici inverse, opposé, car cette composition se veut le contraire du blockhaus, cette carapace de béton armé, sombre et isolée, à l’épreuve des balles mais aussi de tout le reste, de la pluie, du vent, du soleil… Antiblockhaus propose d’aller sous l’averse et de laisser le bunker se faire lentement ensevelir par les sables, il est temps de vérifier si les explosions que l’on entend au loin sont des feux d’artifice ou des bombardements. Il faudra bien sortir un jour de toute façon, quel que soit le risque, non ?
Audio : Manu / Visuel : Malka
salut biloute et chaloute!
magnifiquement magique, je connais ces endroits qui m’on d’ailleurs, mi inspiré un texte dans short édition et que pis merdre je partage, pac’que nin sûr que t’iras le lire -fumure, nin vu tes kon menteurs depuis longtemps, t’as tord, j’ai un texte qui cartonne en ce moment en kon cours, « l’homme plastifié », bref je fous mon texte et vous pourris vos kon menteurs, na et re nana!!
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DUNES
Les dunes reculent, balayant les herbes chétives, enfouissant la végétation isolée, toutes ces larmes de granit transformées en parcelles d’étoiles scintillantes, plus suaves que la roche, plus chaudes que le souvenir des magmas sous la terre. Et le vent chargé de sel au parfum de l’algue érode toute irruption de vie, et l’écume blanche de la vague avance et rarement revient sur elle-même.
Sous le couvert des nuages la Forteresse se dresse. Un immense bloc en constitue la substance. Parfois la Forteresse chante et des nappes mélodieuses s’évaporent dans le crachin permanent à la recherche du soleil rouge, sombré au-delà des flots bleus de l’été. La plupart du temps la Forteresse se tait, toute entière plongée au creux du ressac, immergée sous la houle au plus profond du mouvement.
Quand la nuit lâchait prise et qu’une aube froide émergeait, des papillons géants aux ailes translucides s’échappaient de ses meurtrières pour aller se perdre dans la masse en mouvement liquide. Jamais ils ne rejoignaient la côte et chaque matin qui venait voyait s’engloutir ces offrandes.
La Forteresse s’était couronnée de gargouilles aux traits torturés dans un envol figé à jamais, ces animaux farouches enserrés dans une gangue aux senteurs de fraîchin. L’écho de leur douleur n’y résonnait même plus, écartelé par la musique du silence.
Chaque instant qui passe est semblable au précédent, et la mer s’avance, les dunes reculent et le vent cingle.
Elle longe la côte, le regard perdu dans les vagues. Depuis qu’elle a quitté son abri, elle connaît la souffrance du dehors. Le vent chargé lui brûle la poitrine et ses mains autrefois gantées se raidissent chaque nuit un peu plus sous les rayons de la lune. Chaque matin lui offre la même désolation. En arrière une Forteresse s’éloigne pour ne plus devenir qu’un point minuscule, aussi infime qu’un grain de dune. Devant une ombre prend consistance, une nouvelle Forteresse dressée, défiant les vagues de l’oubli.
Souvent elle distinguait des presque humains dans la brume lointaine qui s’avançaient à sa rencontre, mais ils ne pouvaient la voir. Alors elle se blottissait dans le sable pour les observer. Parfois ils passaient si près d’elle qu’ils auraient pu l’effleurer. Ils se déplaçaient avec peine, s’enfonçant à chaque pas un peu plus. Des ébauches d’humains aux yeux perdus, comme elle, fixés sur d’autres lendemains. Quand ils étaient suffisamment loin, elle sortait de sa cache et reprenait sa route. Elle marchait sans crainte, elle savait qu’eux aussi se blottiraient, si par mégarde elle s’avançait à leur rencontre. Tout comme elle, ils l’observeraient émerveillés par cette longue silhouette évanescente, chaque jour un peu plus érodée, chaque jour un peu plus translucide.
Elle s’effondra, terrassée de fatigue, usée jusqu’au plus profond d’elle-même. Son soupir s’éteignit, couvert par la mer, enfoui sous les dunes, soufflé par le vent.
Demain une autre Forteresse allait émerger, dressée face à la mer, défiant les dunes et le vent.
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Salut, très beau texte Patoche ! Et carrément dans le ton du morceau ! J’ai lu plusieurs de tes derniers textes mais vu qu’il faut être connecté au site pour laisser un com’ ou « voter », je n’y pense pas forcément… En plus, je ne suis pas un grand fan de Short Edition (le système de vote, l’exclusivité demandée sur les textes, le fonctionnement global…) donc je n’y vais pas souvent. Tu devrais faire un blog 😉 ou sortir un livre !! Bref, si t’as un nouveau texte en compet’ je vais quand même aller y faire un tour, faut juste que je retrouve mon password…. Bises !
Manu
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