Sur un air de sevdah

Sarajevo, 5.05.2025, 17:06

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Depuis le début de cette année 2025, j’ai déjà effectué deux voyages en Bosnie-Herzégovine. Durant le premier, j’ai aussi passé environ deux semaines en Croatie, et durant le deuxième autant au Monténégro, ce à quoi il faut ajouter quelques jours en Serbie, en Autriche et en Allemagne, pour un total de deux mois de voyage en avril-mai et juillet-août. J’ai décidé de publier une série d’articles pour raconter ces deux périples, essentiellement à travers les photos que j’ai prises mais aussi, pour les deux premiers articles en tout cas, à travers de la musique et, en l’occurrence, de la sevdah.

« U Stambolu na Bosforu » (À Istanbul dans le Bosphore) par Zaïm Imamović, mon morceau de sevdah préféré…

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J’ai découvert la sevdah (ou sevdalinka), la musique traditionnelle de Bosnie, au cours de mon premier voyage dans ce pays en 2022. Si les origines de ce genre remonte à plusieurs centaines d’années – à une époque où la Bosnie faisait partie de l’Empire Ottoman – la sevdah que l’on peut entendre aujourd’hui est surtout celle enregistrée durant la période yougoslave où, des années 1950 à 1970, un nouvel « âge d’or » de la sevdalinka a permis l’enregistrement de milliers de chansons et l’émergence de centaines d’interprètes et de musiciens exceptionnels qui sont depuis devenus, pour certains et certaines, de véritables légendes en Bosnie. C’est donc un répertoire presque sans fin que je ne cesse de découvrir depuis mon premier contact avec cette musique – à la faveur d’une rencontre avec un vendeur de CD dans les rues de Tuzla – d’autant que la sevdah est encore bien vivante et que de nouveaux artistes, comme Damir Imamović ou Mostar Sevdah Reunion, ont désormais repris le flambeau !

Dans ce premier article, il sera question de Sarajevo, une ville que j’adore et où j’ai passé presque deux semaines, en cumulé, sur les deux voyages. Plusieurs morceaux de sevdah évoquent directement Sarajevo, la cité où, dit-on, l’Orient et l’Occident se rencontrent, le « carrefour des cultures ».

Quiconque est déjà allé à Sarajevo sait qu’il y règne une ambiance spéciale, unique, et particulièrement dans Baščaršija (le « grand bazar »), historiquement le quartier musulman, où s’entassent cafés, restaurants, boutiques, stands de vendeurs de rue, tout cela au milieu des mosquées, des bâtiments historiques et des musées. C’est aussi dans Baščaršija que vous trouverez la « Maison de la sevdah » (Art kuća sevdaha), café caché dans une arrière-cour et musée dédié à cette musique, véritable havre de paix au cœur de la capitale.

Entre 1992 et 1996, Sarajevo a subi ce qui est connu comme « le plus long siège de l’histoire moderne », durant lequel la ville fut bombardée sans relâche et plus de 11 000 personnes périrent. Durant ces quatre ans, l’Europe et le monde se contentèrent essentiellement de regarder… comme ils le font aujourd’hui avec la Palestine.

Les traces de la guerre sont encore largement présentes dans et autour de Sarajevo. Maintenant que la région a été déminée, on peut facilement se rendre au sommet de la montagne Trebević par le téléphérique, la vue sur la ville y est magnifique mais c’était de là (principalement) que l’armée serbe la bombardait durant le siège. Une fois en haut de la montagne, on peut en redescendre via la piste de bobsleigh désaffecté des J.O. 1984. (Voir aussi Septembre Sarajevo)

Il y aurait mille choses à écrire sur cette guerre et sur la résistance de Sarajevo, beaucoup l’ont fait. Aujourd’hui, le pays est en paix mais la situation politique reste extrêmement tendue. La corruption gangrène et, aussi incroyable que cela puisse paraître, le pays vit encore sous la tutelle du Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine, un poste créé lors de l’accord de paix de Dayton en décembre 1995, aujourd’hui occupé par l’allemand Christian Schmidt, qui a « le pouvoir d’annuler toute décision de l’exécutif ou de l’Assemblée parlementaire », la Bosnie-Herzégovine n’est donc même pas entièrement souveraine ! Au niveau économique, la situation est très mauvaise aussi et le pays se dépeuple car beaucoup de jeunes partent à l’étranger. À travers mes discussions ici, j’ai pu constater que beaucoup de bosniens sont nostalgiques de l’époque yougoslave.

Au Caffe Tito.

Sarajevo est une ville unique, magnifique, et chargée d’une histoire vieille d’environ six cents ans, durant laquelle elle aura vu se dérouler quelques-uns des épisodes les plus marquants de l’histoire européenne (surtout au XXe siècle) en même temps qu’elle aura vu s’élever, les unes à côté des autres, des églises catholiques, des cathédrales orthodoxes et des mosquées, ce qui reste – pour autant que je sache – une des grandes particularités de la Bosnie.

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Finissons avec un morceau de Damir Imamović (petit-fils de Zaim), que j’ai eu la chance de voir en concert cet été à Sarajevo, et qui chante… Sarajevo évidemment !

Le prochain article reviendra sur d’autres villes de Bosnie-Herzégovine visitées cette année.

Sarajevo, 2.05.2025, 23:56

Manu-Zuunzug

5 réponses à « Sur un air de sevdah »

  1. Avatar de The roads never lead where they’re supposed to go – Zuunzug

    […] épisode de la série Sur un air de sevdah. Quinzième épisode de la série Il n’y a pas de […]

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  2. Avatar de Retour en Croatie – Zuunzug

    […] précisé dans les premiers posts de Sur un air de sevdah, cette série d’articles relate deux voyages différents effectués en avril-mai et […]

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  3. Avatar de Sur un air de sevdah – part. 2 – Zuunzug

    […] premier article revenait sur mes deux séjours à Sarajevo cette année. Dans celui-ci, il sera question des autres villes que j’ai visité en […]

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  4. Avatar de Jeanne Schmid
    Jeanne Schmid

    Bel article, belles photos. C’est toujours un plaisir de te lire et d’écouter tes musiques

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    1. Avatar de Zuunzug

      Merci beaucoup Jeanne !

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