(Sur un air de sevdah – part. 6 / Il n’y a pas de fin – part. 15)
The roads never lead where they’re supposed to go(Les routes ne mènent jamais là où elles sont censées aller) est un vers extrait du morceau Drenched de Calexico, écrit par Joey Burns.
« Mois et jours sont passants perpétuels, les ans qui se relaient, pareillement sont voyageurs. Celui qui sur une barque vogue sa vie entière, celui qui la main au mors d’un cheval s’en va au-devant de la vieillesse, jour après jour voyage, du voyage fait son gîte. » Bashō
Podgorica 2MunichNikšić 1Lovran 1Nikšić 2
« Our endless and impossible journey toward home is in fact our home. » David Foster Wallace
Zagreb 1Zagreb 2GrazLacs de Plitvice 1Nikšić 3Brčko
« Au ras du sol s’allumaient des lumières, et le fleuve invisible appelait à lui, comme toujours, le peu de vie qui restait dans la ville […] la patrie de la Révolution était dans l’ombre verdâtre de ces fonderies […] et ces marcheurs misérables qui se perdaient dans la brume gluante où les lanternes devenaient de plus en plus nombreuses avançaient tous dans le sens du fleuve […] avec leurs gueules de défaites, présages chassés vers lui par la nuit menaçante. » André Malraux
Lacs de Plitvice 2Lovran 2Lovran 3Gradiška 1
« This part is my part of the movie, let’s hear yours. » Jack Kerouac
Gradiška 2
Photo en une : Nikšić 0
Lieux : Munich (Allemagne), Graz (Autriche), Brčko, Gradiška (Bosnie-Herzégovine), Lacs de Plitvice, Lovran, Zagreb (Croatie), Nikšić, Podgorica (Monténégro), Belgrade (Serbie)
Voici la Zone 84, mon usine à la plage Canettes de bière, bouteilles, seringues et coquillages Machine sans âge, chiens errants devant l’usine Poursuivent les mouettes dans les vestiges et les ruines
D’une ère passée, où l’industrie ramenait l’argent En témoignent la rivière polluée, le mercure, le plomb dedans Crasse des ans, héritage toxique Sous les ondulations dangereuses des fils électriques C’est pas l’Amérique, l’Eldorado À part les mouettes crasseuses, il ne reste plus un oiseau Et plus un gosse ne joue là où on jouait gamins Barrières et barbelés interdisent l’accès au terrain
Là où rien ne va bien, là où chacun fait Ce qu’il peut pour survivre sans jamais être aidé Des bibles et des articles de charlatans sur les étals Et moi qui vends des cartes postales De la Zone 84…
Les blockhaus sur la plage noire, les bâtiments inachevés Vestiges d’une station balnéaire qui n’a jamais existé Les terrasses de cafés vides en cette nuit de décembre Les flocons qui tombent comme des cendres Lassé sur la promenade du front de mer sinistre Sous les réverbères à la lumière blafarde Monotone et fade, toujours le même registre Comment y concilier mes émotions bâtardes
Une usine désolée au bord d’une rivière Qui charrie des pneus qui s’enterrent dans la boue et prennent racine Je connais cette atmosphère comme si c’était chez moi Même les dessin animés de mon enfance ressemblaient à ça
Des arêtes rongées par les chats dans les poubelles Je crois que c’est quand la ville était la plus sale qu’elle était la plus belle De vieilles balles de tennis déchiquetées par les chiens Et près de la benne à ordures tous les gamins du coin On grimpait sur les murs rouge brique, on y restait Comme cette photo d’ouvriers sur les gratte-ciels new-yorkais
Gamins aux genoux écorchés, aux fringues de nos grands frères On était déjà démodés rien qu’en arrivant sur Terre On s’est servi là où on pouvait dans nos coins perdus Avec la sensation à dix piges à peine d’être les rois de la rue Sur les graviers, le goudron, l’herbe, le tapis De feuilles humides de la forêt du début de nos vies Dans la Zone 84…
Zonant dans la Zone 84 au volant d’un vélo Mad Max Naviguant entre les tours de béton gris, relax De l’eau de machine coule sur le béton fissuré J’observe et m’interroge sur mon quartier déstructuré Quatre types aux mains pleines de cambouis passent Ça sent l’essence, plein de capots ouverts sur la place Le goudron semble fondre sous la chaleur D’un été brûlant et étouffant quelque soit l’heure
Les lézards exsangues écrasent sur le bitume Dans le bistrot du coin ça picole et ça fume Dans les champs, des carcasses de deux-chevaux crevées Les mobylettes hurlent, les pots d’échappement percés
Les grands hangars des chantiers rouillent sur la plage Dès qu’on sort de la gare, on fait face au grand large Quelques bandes de goudron à moitié ensablées Et de l’usine coule des liquides contaminés Cabanes en tôle où les vagues frappent à la porte Clochards sans complice, chiens errants sans escorte La vieille gitane tire les cartes dans sa caravane Et la tempête gronde sous les crânes
Cafés en gobelets servis sur le trottoir Grands-mères édentées qui mendient dans leur désespoir On prie ou se signe aux pieds des églises Mais rien, non rien, ne conjure la crise
La décharge publique déborde sur la rivière Les écrans cassés voguent de là jusqu’à la mer L’encre, la peinture se déversent et colorent L’eau et la terre qui supportent nos sorts Dans la Zone 84…
Comme je l’ai écrit dans l’article précédent, Zuunzug travaille sur des morceaux à textes qui, musicalement, se situeront quelque part entre ce que connaissez de nous (des sons plutôt trip-hop, voir ambient) et ce que j’ai fait pendant plus de dix ans avec mon groupe de rap La Dernière Mesure. Mais ces nouvelles créations vont être longues à terminer, et encore plus longues à enregistrer, Zuunzug va donc continuer à tracer sa route avec des morceaux instrumentaux d’ici là, et même pendant et après d’ailleurs ! Voici donc, pour commencer l’année, une nouvelle piste sur laquelle, pour le coup, vous allez bien entendre des voix, mais pas les nôtres !
En 2022, lors de mon long voyage dans les Balkans, j’ai passé une nuit dans la petite ville de Slatina, en Croatie. Le lendemain, alors que j’attendais mon train dans la gare à moitié détruite de la ville, un groupe de personnes âgées parlaient et riaient juste à côté de moi. Je ne comprenais pas ce qu’ils racontaient mais ça avait l’air très drôle ! J’ai pris mon recorder Zoom et je les ai enregistré. À un moment, il y a eu quelques mots d’anglais dans la discussion mais je n’ai compris ce qu’ils se disaient à ce moment-là que des semaines plus tard lorsque j’ai réécouté la bande… L’un des hommes avait rencontré un (probable) touriste qui lui avait posé une question en anglais mais il lui avait répondu que « no English » et… « fuck you » ! Vu la situation dans laquelle j’étais, juste à côté de lui, quand il racontait cette histoire, j’ai trouvé ça assez drôle aussi ! Deux ans plus tard, j’ai fait ce petit morceau en guise de souvenir !