« Pour moi, advienne cette extravagance, il y a beau temps que vous vous seriez détruit. Car, à tout prendre, mieux vaut mourir d’intempérance que d’ennui ! »
« Tout État a un ennemi principal : sa propre population. Si le climat politique commence à se détériorer dans votre propre pays et que la population commence à devenir active, toutes sortes de choses horribles peuvent arriver ; il faut donc que vous fassiez en sorte que la population reste calme, obéissante et passive. Et un conflit international est un des meilleurs moyens pour y arriver : s’il y a un dangereux ennemi dans les environs, les gens vont abandonner leurs droits, parce qu’ils doivent survivre. »
« J’ai vu des rangées de têtes en lignes de fuite sur lesquelles jouaient des émotions floues comme la lumière d’un feu lointain. La désespérance placide de l’âge adulte. Le regret complexe. Une ou deux, les plus vivantes, avaient meilleure mine à leur manière sans objet. Beaucoup d’autres paraissaient aussi absentes que les visages sur les pièces de monnaie. »
« Un vent de révolte soufflait sur le village. Un sentiment profond de justice avait été touché en eux ; et ces gens doux, résignés et passifs, imperméables aux raisons de la politique et aux théories des partis, sentaient renaître en eux l’âme des brigands. Les explosions violentes et éphémères de ces hommes opprimés sont toujours ainsi ; un motif humain fait remonter à la surface un ressentiment profond et ancien ; on met le feu aux baraques de la douane et aux casernes des gendarmes ; on égorge les seigneurs ; une férocité espagnole et une liberté atroce et sanglante règnent pour un moment. Après quoi ils vont en prison, indifférents, comme qui aurait assouvi, en un instant, une attente séculaire. »
…
Citations et extraits : Léo Ferré, Peter Sinfield (King Crimson), Vladimir Maïakovski, Noam Chomsky, William S. Burroughs, David Foster Wallace, Friedrich Nietzsche, Carlo Levi.
Mon tube de l’été à moi, il est à chercher du côté du nouvel album de Bob Dylan, « Rough And Rowdy Ways », sorti en Juin 2020. Si la critique s’est extasiée sur le morceau fleuve (17 minutes, quand même) « Murder Most Foul », pour moi la pièce maîtresse de l’album est la dernière chanson du CD1 : « Key West (Philosopher Pirate) ».
Déjà, quand mon songwriter préféré cite mon auteur préféré, ça me plait !
« I was born on the wrong side of the railroad track / Like Ginsberg, Corso and Kerouac »
Les liens entre les chansons de Bob Dylan et les romans de Jack Kerouac ont toujours été évidents. Dans son article « Bob Dylan’s Beat Visions (Sonic Poetry) » (extrait du recueil « Kerouac On Record ») Michael Goldberg met en lumière le génial pillage de Dylan pour son morceau « Desolation Row », dans lequel on retrouve un nombre invraisemblable de références au roman « Desolation Angels » de Kerouac. Que le chanteur cite enfin (à 79 ans !) le romancier à qui il doit tant, voilà qui fait plaisir ! Évidemment cela ne suffit pas à faire un tube de l’été, d’ailleurs « Key West » n’a rien d’un tube de l’été, c’est une composition de 9 minutes pas dansante du tout ! À l’image de l’ambiance générale du dernier album de Bob, c’est calme, étrange, envoûtant et ça s’est révélé être la bande son parfaite pour mes errances estivales, 300/400 kilomètres de marche en temps de pseudo crise sanitaire.
Key West est une île de Floride à plus de 180 kilomètres de la côte mais à laquelle on peut accéder via la Overseas Highway, une sorte d’autoroute sur la mer… Dylan encense ce bout du monde, ce « pays de la lumière », et certifie que si tu perds la raison, tu la retrouveras à Key West. Il y est aussi question de William McKinley, vingt-cinquième président des États-Unis, assassiné en 1901, et d’une radio pirate émettant depuis le Luxembourg et Budapest… Dylan raconte encore avoir été marié à une prostituée à douze ans puis il essaie de retrouver le signal de sa radio… Atmosphère vaporeuse, poésie opaque, accordéon discret, rythmique lente et lointaine, pas vraiment la recette pour faire danser dans les discothèques. Qu’à cela ne tienne, il n’y a plus de discothèques.
Key West (Philosopher Pirate) by Bob Dylan
McKinley hollered, McKinley squalled Doctor said, « McKinley, death is on the wall Say it to me, if you got something to confess » I heard all about it, he was going down slow I heard it on the wireless radio From down in the boondocks way down in Key West I’m searching for love, for inspiration On that pirate radio station Coming out of Luxembourg and Budapest Radio signal, clear as can be I’m so deep in love that I can hardly see Down on the flatlands, way down in Key West
Key West is the place to be If you’re looking for immortality Stay on the road, follow the highway sign Key West is fine and fair If you lost your mind, you will find it there Key West is on the horizon line
I was born on the wrong side of the railroad track Like Ginsberg, Corso and Kerouac Like Louis and Jimmy and Buddy and all the rest Well, it might not be the thing to do But I’m sticking with you through and through Down in the flatlands, way down in Key West I got both my feet planted square on the ground Got my right hand high with the thumb down Such is life, such is happiness Hibiscus flowers, they grow everywhere here If you wear one, put it behind your ear Down in the bottom, way down in Key West
Key West is the place to go Down by the Gulf of Mexico Beyond the sea, beyond the shifting sand Key West is the gateway key To innocence and purity Key West, Key West is the enchanted land
I’ve never lived in the land of Oz Or wasted my time with an unworthy cause It’s hot down here, and you can’t be overdressed Tiny blossoms of a toxic plant They can make you dizzy, I’d like to help you but I can’t Down in the flatlands, way down in Key West Well, the Fishtail Palms, and the orchid trees They can give you that bleeding heart disease People tell me I ought to try a little tenderness On Amelia Street, Bayview Park Walking in the shadows after dark Down under, way down in Key West I played Gumbo Limbo spirituals I know all the Hindu rituals People tell me that I’m truly blessed Bougainvillea blooming in the summer, in the spring Winter here is an unknown thing Down in the flat lands, way down in Key West
Key West is under the sun, under the radar, under the gun You stay to the left, and then you lean to the right Feel the sunlight on your skin, and the healing virtues of the wind Key West, Key West is the land of light
Wherever I travel, wherever I roam I’m not that far from the convent home I do what I think is right, what I think is best Mystery Street off of Mallory Square Truman had his White House there East bound, West bound, way down in Key West Twelve years old, they put me in a suit Forced me to marry a prostitute There were gold fringes on her wedding dress That’s my story, but not where it ends She’s still cute, and we’re still friends Down on the bottom, way down in Key West I play both sides against the middle Trying to pick up that pirate radio signal I heard the news, I heard your last request Fly around, my pretty little Miss I don’t love nobody, give me a kiss Down on the bottom, way down in Key West
Key West is the place to be If you’re looking for immortality Key West is paradise divine Key West is fine and fair If you lost your mind, you’ll find it there Key West is on the horizon line