• Chroniques de Mars (2020 – 2022)

    17 Mars 2022, deux ans jour pour jour après l’entrée en vigueur du premier confinement en Macronie. Souvenez-vous, on nous avait demandé d’être patients – et obéissants – pendant deux semaines. Deux ans plus tard, les dernières mesures restrictives liées à l’épidémie tombent enfin, et encore, on ne sait pas pour combien de temps…

    À ressortir boire une bière ou un café dans un bistrot, à rediscuter avec des gens dotés d’une bouche et d’un nez, j’ai l’impression – et ce n’est pas qu’une impression – de sortir d’une période d’asociabilité de deux ans.

    Nous tombons le masque au moment même où éclate une nouvelle guerre. Cent un ans après avoir terrassé la Makhnovtchina, l’Armée rouge repart à l’attaque de l’Ukraine. Les immeubles s’écroulent, les civils meurent par centaines et les médias français, en transe (une pandémie puis une guerre, quelle chance inouïe), déclarent tous qu’il s’agit de la première guerre en Europe depuis la World War II, reléguant aux oubliettes le conflit yougoslave, ses camps de concentration, son siège de Sarajevo et ses négligeables 140 000 morts, alors même que Marioupol est en train de devenir une nouvelle Vukovar. Nous vivons vraiment une drôle d’époque…

    C’est dans ce climat étrange que j’ai décidé de faire une sorte de bilan musical de mes deux ans de vie sous pandémie. La musique ayant toujours occupé une place centrale chez moi – en écouter est une de mes activités principales – ces deux dernières années ont été forcément, disons, significatives à ce niveau-là.

    Chaque époque de ma vie a sa bande-son, voici celle qui va de Mars 2020 à Mars 2022, en sachant que je me suis quand même soumis à une contrainte bien nécessaire : étant donné que j’écoute énormément certains artistes, je me suis limité à un titre par musicien/groupe, sans quoi trois ou quatre d’entre eux auraient pris toute la place… La seule petite entrave à cette règle venant d’un Bob Dylan qui figure à la fois comme interprète de Key West (Philosopher Pirate) et comme auteur du My Back Pages interprété par les Magokoro Brothers. Pour le reste, je crois qu’il s’agit d’une compile assez variée même si quelques tendances se dessinent, et notamment une tendance croate, conséquence de ma virée en Croatie l’été dernier !

    Pour écouter les morceaux, cliquez sur Play et laissez dérouler la bande-son, vous pouvez aussi passer quand ça vous saoule, il y a vingt titres et ça part vraiment dans tous les sens ! Un peu plus bas, le tracklisting de la compilation avec, à chaque fois, le nom de l’artiste, le titre du morceau, l’album dont il est issu, l’année de sa sortie et la nationalité du musicien/groupe, agrémenté parfois d’un petit commentaire…

    1. Bob Dylan : Key West (Philosopher Pirate) extrait de Rough and Rowdy Ways, 2020, USA
    Voir Le tube de l’été.
    2. Darko Rundek : Zagrebačka Maglaextrait de U Sirokom Svijetu, 2000, Croatie
    Chanteur et guitariste du groupe de rock Haustor, culte en ex-Yougoslavie, Darko Rundek a aussi mené une longue et brillante carrière solo à partir des années 90. Inconnu en France, il est une sorte d’icône underground en Croatie.
    3. Ani DiFranco : Garden of Simpleextrait de Revelling/Reckoning, 2001, USA
    Pour ces quelques vers, redécouverts aux premiers jours du confinement : Science chases money and money chases its tail / and the best minds of my generation can’t make bail / but the bacteria are coming to take us down, that’s my prediction / it’s the answer to this culture of the quick fix prescription.
    4. Scarlett Johansson (feat. David Bowie) : Fannin Street (Tom Waits) – extrait de Anywhere I Lay My Head, 2008, USA
    En 2008, l’actrice Scarlett Johansson a sorti un disque dans lequel 10 des 11 morceaux sont des reprises de Tom Waits. Ce n’est pas l’album du siècle mais, au final, elle se sort plutôt pas mal de cet exercice pourtant casse-gueule…
    5. Geto Boys (Scarface) : G-Code – extrait de The Foundation, 2005, USA
    Ce morceau est un peu devenu l’hymne de mes errances interdites dans la ville confinée ou sous couvre-feu…
    6. General Woo : Ja Sam Ulica extrait de Pad Sistema, 2014, Croatie
    Une autre découverte croate. Ja Sam Ulica signifie Je Suis la Rue…
    7. DJ Krush : Inkling extrait de Trickster, 2020, Japon
    8. Bishop Nehru & DJ Premier : Too Lost extrait de Nehruvia: My Disregarded Thoughts, 2020, USA
    9. Magokoro Brothers : My Back Pages (Bob Dylan) – extrait de Masked And Anonymous: Music From The Motion Picture, 2003, Japon
    Cette géniale version japonaise du My Back Pages de Bob Dylan est à l’image du film dont elle constitue le générique d’ouverture, Masked & Anonymous, un truc complètement barré et décalé que quelques personnes – comme moi – adorent mais que beaucoup de gens détestent !
    10. Hubert-Félix Thiéfaine : Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable extrait de En concert à Bercy, 1999, France
    La version studio de cette chanson figure sur l’album Le Bonheur de la Tentation sorti en 1998, mais je préfère cette version live…
    11. Les Goules : Dimanche – extrait de Les Animaux, 2007, Canada
    12. Scott H. Biram : Everything Just Slips Away – extrait de Fever Dreams, 2020, USA
    Scott H. Biram est un bluesman texan que je suis depuis une quinzaine d’années. Son dernier album en date, Fever Dreams, sorti pendant la pandémie, est une vraie réussite.
    13. Neil Young : The Painter – extrait de Prairie Wind, 2005, USA
    Je n’écoutais plus Neil Young depuis un bon moment quand, en Mars 2020, pris de nostalgie allez savoir pourquoi, je me suis replongé dans certains albums du Loner
    14. Pips, Chips & Videoclips : Bog – extrait de Bog, 1999, Croatie
    15. Bruce Springsteen : Thunder Road – extrait de Born To Run, 1975, USA
    16. Wang Wen : A Beach Bum – extrait de 100,000 Whys, 2020, Chine
    A Beach Bum, un clochard des plages, c’est ce à quoi j’ai du ressembler plusieurs fois ces dernières années lors de mes errances sur la côte atlantique… cependant que mes écouteurs crachaient du Wang Wen.
    17. Billy Bragg : Never Cross a Picket Line – extrait de Rock The Dock, 1998, Angleterre  
    18. Unknown : 願榮光歸香港 – extrait de la révolte, 2019, Hong Kong
    Le mouvement de révolte de 2019-2020 à Hong Kong a été très loin et a suscité beaucoup d’espérance. Hélas, la pandémie en a brisé l’élan et le pouvoir a profité de l’accalmie pour mettre en place une nouvelle loi qui a permis de faire emprisonner la plupart des leaders du mouvement. Aujourd’hui, à Hong Kong comme dans bien d’autres pays, il est très difficile de reprendre les luttes là où elles en étaient avant l’instauration des « mesures sanitaires »…
    Bonus track 1. Hualun : The Song of Maldoror – extrait de Asian River, 2010, Chine
    Hualun vient de Wuhan, aujourd’hui ça vous place un groupe, mais lorsque je les ai découvert – grâce au film An Elephant Sitting Still dont ils ont composé la bande originale – pas grand monde ne connaissait cette ville…
    Bonus track 2. Tiana Major9 & EARTHGANG : Collide – extrait de Queen & Slim: The Soundtrack, 2019, USA
    Et pour finir de façon cool et tranquille, un titre extrait de la B.O. du méconnu mais excellent Queen & Slim, dernier film qu’on ait vu au ciné avant qu’il ferme…

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    ***

    Je conclus avec quelques livres lus durant cette période et que je voulais partager…

    Carlo Levi : Le Christ s’est arrêté à Eboli
    Au début du confinement, nous avons fait un tri dans notre bibliothèque pour aller mettre dans une boite à livres les ouvrages qu’on ne lirait pas, ou plus. J’allais y mettre Le Christ s’est arrêté à Eboli de Carlo Levi car je le traînais depuis des années sans le lire. J’y ai quand même jeté un dernier coup d’œil et j’ai alors constaté que le tout premier mot du livre, le tout premier mot de la préface, était « confinato », confiné. Étant donné la situation dans laquelle nous étions, comment ne pas le lire sur le champ après avoir vu ça ? Résultat, j’ai pris une énorme claque, ce livre est un chef d’œuvre.

    Max Stirner : L’Unique et sa propriété
    « Tout l’inepte bavardage de la plupart de nos journaux, n’est-ce pas incohérences de fous, qui souffrent de l’idée fixe, moralité, légalité, christianisme, etc., et qui paraissent s’agiter librement parce que l’asile d’aliénés où ils se démènent occupe un large espace ? »

    Karl Marx, Friedrich Engels : L’Idéologie allemande
    Critique d’une certaine pensée allemande de l’époque, mais beaucoup plus universel que ne le laisse entendre le titre… « L’État étant la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs intérêts communs et dans laquelle se résume toute la société civile d’une époque, il s’ensuit que toutes les institutions communes passent par l’intermédiaire de l’État et reçoivent une forme politique. De là, l’illusion que la loi repose sur la volonté et, qui mieux est, sur une volonté libre, détachée de sa base concrète.

    Patrick Drevet : Quand la ville se tait – Chronique d’une sidération, mars-juin 2020
    Les carnets d’un anarchiste nantais qui arpente les rues de sa ville pendant le confinement, stupéfait par la docilité de ces concitoyens… J’aurais pu écrire quasiment chaque phrase de ce livre, j’ai vécu et ressenti exactement les mêmes choses durant ces deux mois surréalistes…

    Bekim Sejranović : Ton fils Huckleberry Finn
    « Souvent, pendant que les autres dormaient, je restais toute la nuit à écouter les discussions des oiseaux pêcheurs, à quelques kilomètres de distance en amont et en aval de notre petit bateau, et alors, je réfléchissais au fait qu’en réalité, tout ce que tu vois ou entends est déjà un passé irréversible. Alors même que tu prends conscience de ta propre vie, tu n’es déjà plus là. »

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  • Chroniques de Mars (2020 / 2021)

    J’ai longtemps hésité à faire un article qui reviendrait sur ce que j’ai écrit et vécu en Mars 2020, le mois où tout a basculé, mais l’annonce – le 31.03 – d’un troisième confinement, m’en a finalement convaincu. J’ai mêlé les dates de Mars 2020 et 2021 et sélectionné quelques extraits des carnets que j’ai noirci de manière compulsive durant la première quarantaine. Je pensais faire une longue intro pour en expliquer d’avantage, mais finalement non, on va laisser les choses telles quelles. (Le titre de cet article est une référence à une compilation de rap marseillais sortie en 1998.)

    ***

    1.03.2020 : Nous venions, la veille, de rentrer d’un séjour de quatre jours à Bruxelles. Aujourd’hui, un an et un mois après, les douaniers belges ne nous laisseraient pas passer la frontière.

    1.03.2021 :

    6.03.2020 :

    7.03.2006 : Début de ma seconde vie (c’est une longue histoire…).

    10.03.2021 : Lancement de la page Zuunzug Field Recording.

    12.03.2020 : Publication du morceau Dr Sax (Part. 1 & Part. 2) et des six articles liés au roman Docteur Sax de Jack Kerouac. Cette date n’est pas anodine, c’est l’anniversaire de Jack, né le 12 Mars 1922.

    14.03.2021 : Un article de RTL porte le gros titre : Vers un confinement dans les prochaines heures ? Quand on le lit, on y apprend dès les premières lignes que ce n’est pas dans les prochaines heures mais dans trois ou quatre jours minimum, « au prochain Conseil de défense ». Deux lignes plus bas, il n’est plus du tout question de reconfiner. Encore un peu plus loin, on peut lire ceci : « À ce stade, il n’est pas prévu de durcir les mesures ». Voilà, si j’ai bien appris un truc ces derniers temps, c’est que les journalistes sont tous de grands fans du confinement, ils en ont annoncés une bonne dizaine en un an… Peut-être est-ce parce qu’ils peuvent, eux, continuer à sortir pour filmer les gens qui « ne respectent pas les règles ». Il est d’ailleurs vertigineux de se poser la question suivante : Sans les médias, le gouvernement aurait-il confiné ? Et reconfiné ? Et re-reconfiné ?

    14/15.03.2020 : Je devais prendre un train pour Honfleur ce matin, mais il est annulé. À 22h ou 23h, alors que je suis encore chez moi et que j’hésite à sortir, j’apprends la fermeture des bars, des restaurants, des salles de concerts et des cinémas. Mon monde s’écroule tout d’un coup… sous les vivats (+ de 90% des français favorables au confinement selon plusieurs sondages). Le lendemain, j’enregistre un poème d’Arthur Rimbaud pour la Sound Poetry Compilation de Cian Orbe.

    Nocturne Vulgaire

    Un souffle ouvre des brèches opéradiques dans les cloisons, – brouille le pivotement des toits rongés, disperse les limites des foyers, – éclipse les croisées. – Le long de la vigne, m’étant appuyé du pied à une gargouille, – je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés – Corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée ; et dans un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins.
    – Un vert et un bleu très foncés envahissent l’image. Dételage aux environs d’une tache de gravier.
    – Ici, va-t-on siffler pour l’orage, et les Sodomes, – et les Solymes – et les bêtes féroces et les armées,
    – (Postillon et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour m’enfoncer jusqu’aux yeux dans la source de soie).
    – Et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l’aboi des dogues…
    – Un souffle disperse les limites du foyer.

    16.03.2018 : Premier morceau de Zuunzug

    16.03.2020, 4h50, dans mes carnets : Je me demande si le taux de suicide va augmenter au point de concurrencer le coronavirus. Et je me demande si les gens se rendront compte rapidement qu’ils ont renoncés à absolument tous leurs droits pour se prémunir d’une nouvelle sorte de grippe. […] Le fait est que nous vivons aujourd’hui dans un pays qui tourne comme il tournerait en temps de guerre, alors qu’il n’y a, pour l’heure, que 120 morts. Imaginez la suite… […] Je ne suis pas sûr d’avoir déjà vécu une situation aussi angoissante, l’impression que nous sommes en train de sombrer dans le fascisme le plus simple, le plus fou, le plus assumé. […] Alors concrètement, pourquoi est-ce qu’on doit réellement angoisser ? Pour la maladie ? Pour la capacité hallucinante de soumission des gens ? Ou pour l’avenir politique qui se dessine ?

    16.03.2021 : Si, comme moi, beaucoup de gens se sont réfugiés dans l’alcool lors de la première quarantaine, c’est bel et bien à cause du confinement et non pas du covid en lui-même comme le laisse entendre le titre de cet article, le témoignage qui y est recueilli ne laisse pourtant aucun doute : Brisée par le Covid…

    17.03.2020 : Ironie du sort, alors que le confinement débute, je reçois une paire de chaussures de marche. Je vais la chercher dans un relais-colis à quelques rues de chez moi, l’employé du lieu n’en peut déjà plus et me dit : « Les gens sont en train devenir fous. » Ce n’est qu’un début…

    Cesser d’exister pour rester en vie ? Un texte de Abdennour Bidar

    18.03.2020, 9h58, dans mes carnets : Le peuple terrorisé semble prêt à abattre quiconque ne se soumettra pas à la règle du confinement. Abattre des gens pour en sauver d’autres, diront-ils. La psychose semble avoir atteint un tel niveau que je me demande si le monde redeviendra un jour comme avant… Se réjouir de ne plus avoir le droit de sortir ? Nous avons déjà perdu. La peur paralyse, on le sait, et l’heure est à la peur, à la peur totale. Les mêmes qui criaient « même pas peur » dans les rues de « Charlie » sont aujourd’hui ceux qui fustigent les quelques-uns qui n’ont pas encore peur. Qui n’a pas peur n’est pas digne de la communauté ! L’opinion publique, modelée par les médias de masse, ravage tout sur son passage. Comme pour la période « Charlie », plus aucune discussion, plus aucune réflexion n’est possible. Seul le confinement doit exister, il faut rendre gloire au confinement, l’approuver et le tenir pour la seule et unique solution.

    18.03.1871 : Ce jour-là, le peuple de Paris se dresse contre les troupes envoyées par le gouvernement pour désarmer les citoyens. Face à la foule solidaire et déterminée, une majorité des soldats mettent la crosse en l’air et se retournent contre leurs généraux. La Commune est née. Elle sera écrasée dans le sang deux mois plus tard, sous les hourras des royalistes, des républicains, de la gauche et même d’un certain Émile Zola. Pour mesurer le degré de courage et d’amour de la liberté qui animait ces gens, qui furent tous fusillés ou déportés à Cayenne, voilà ce qu’à dit Louise Michel le jour de son procès :

       Le Président : Accusée, avez-vous quelques choses à dire pour votre défense ?

        Louise Michel : Ce que je réclame de vous, qui vous affirmez conseil de guerre, qui vous donnez comme mes juges, qui ne vous cachez pas comme la commission des grâces, de vous qui êtes des militaires et qui jugez à la face de tous, c’est le champ de Satory où sont déjà tombés nos frères ! Il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Eh bien, le commissaire de la république a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame une part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la commission des grâces…

         Le Président : Je ne puis vous laisser la parole, si vous continuez sur ce ton !

         Louise Michel : J’ai fini ! Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi !

    19.03.2020, 21h28, dans mes carnets : Le confinement est évidemment une période de désespoir. Le sentiment de défaite est immense, total, ravageur, rien ne sera jamais plus comme avant. On ne peut pas accepter ça puis l’oublier…

    « science chases money and money chases its tail
    and the best minds of my generation can’t make bail
    but the bacteria are coming to take us down, that’s my prediction
    it’s the answer to this culture of the quick fix prescription
    «  (Ani DiFranco)

    22.03.2020 : Malka enregistre son interprétation de Nocturne Vulgaire. Publication de Il n’y a (peut-être) pas de fin. Dans mes carnets : Je suis allé faire ma balade quotidienne, n’en déplaise aux fascistes qui s’excitent sur les réseaux sociaux.

    23.03.2020, 10h, dans mes carnets : Depuis quelques jours, ma méthode de ne plus du tout regarder/écouter/lire les actualités, qu’elles viennent de n’importe où et de n’importe quel support, marche franchement très bien ! […] Il ne s’agit pas de dire que le virus ne tue personne, il s’agit de se rendre compte que le prix qu’on paye pour (peut-être) freiner l’épidémie est beaucoup trop élevé et, en définitive, quoiqu’en disent les adeptes du , beaucoup plus dangereux. Malka m’a rapporté qu’elle avait vu un vieux sans-abri hurler dans les rues vides, imaginez la torpeur de ce type qui ne doit même pas comprendre ce qui se passe… Les flics, eux, peuvent s’en donner à cœur joie, ils sont les rois de la rue. Et, pendant ce temps, les médias et les bons citoyens font passer la quarantaine, l’absence totale de liberté, pour un truc cool !

    Sur les flics qui s’en donne à cœur joie : La police française tué au moins 12 personnes durant le confinement

    23/24/25/26/27.03.2021 : Je pars plusieurs jours sur la côte, en Charente-Maritime. Je passe mes journées à marcher sur le bord de mer et mes nuits à écrire. Je fais des enregistrements audio, prends des photos… Une brève évasion régénératrice.

    25.03.1997 : Sortie de Life After Death, le dernier album de Notorious B.I.G., assassiné deux semaines plus tôt, le 9 Mars. Cet album a longtemps été un de mes disques de chevet. Pendant le confinement, j’ai réécouté plus que de raison le morceau suivant, qui en est extrait.

    25.03.2021 : Sur les vitres du théâtre occupé : COVID-19 84

    26.03.2020, 0h40, dans mes carnets : Personne ne semble voir l’horreur de ce slogan, « restez chez vous », qui appliqué à des migrants prend alors un tout autre sens ! De fait, c’est bien à la vieille France fasciste que nous avons à faire. Cette vieille France fasciste et la jeune France « citoyenne » de Facebook ne font désormais plus qu’un. Dénoncer son voisin qui sort dehors, louer la méthode française comme la seule qui vaille, fustiger les pays qui n’appliquent pas la même méthode, parler d’une seule voix au nom de soi-disant valeurs communes complètement fantasmées, développer une pseudo union sacrée en rejetant, stigmatisant, conspuant tous ceux qui ne marchent pas au pas de l’oie, refuser tout avis extérieur, faire front et partir en guerre derrière le grand leader, tous les ingrédients sont là ! Le fascisme n’est plus une idée, il est bel et bien présent et il serait temps qu’on s’en rende compte.

    29.03.2020, 13h53, dans mes carnets : J’ai aussi appris plusieurs choses sur mes contemporains : 1. Ils préfèrent la sécurité à la liberté, c’est un fait qui vient d’être prouver de façon éclatante. 2. Ils vivent dans le média et non plus dans le monde réel. Leurs réactions n’ont plus aucun lien avec ce qu’ils vivent dans leur vie mais uniquement avec ce qu’ils entendent, lisent, voient dans les grands médias et sur les réseaux sociaux, c’est cela qui est devenu leur réalité. Et mettre ces deux constats l’un à la suite de l’autre montre qu’instaurer une dictature n’aurait aujourd’hui rien de bien difficile.

    Poème de Malka, écrit en Mars 2020

    On ne trouvera pas
    On ne trouvera pas les réponses
    Nous sommes tous beaucoup trop agités
    Et beaucoup trop enfermés.
    Au final…
    Finalement, c’est quoi, être libre ?
    Toujours on quitte une liberté pour une autre.
    On peut avoir l’espace.
    On peut avoir le temps.
    Et quand tout le monde désire le temps libre
    Secrètement et profondément
    On se sent libres…
    D’avoir perdu l’espace
    Pour retrouver le temps
    Mais l’espace et le temps !
    Mais les deux inconditionnellement !

    30.03.2020 : Mort de Manólis Glézos, peut-être le dernier grand révolutionnaire d’Europe. Un type qui a fait la nique aux Nazis, aux Colonels, aux capitalistes, et qui a quitté Syriza dès l’instant où ils ont commencé à collaborer avec le FMI. Je n’ai pas de mots pour décrire toute l’admiration que j’avais pour cet infatigable révolté…

    31.03.2021 : Le jour où je commence à lire Quand la ville se tait de Patrick Devret, récit dans lequel je me trouve immédiatement un complice, (« Parcourir la ville […] en tous sens a été ma façon de sortir de la sidération, d’échapper à la pétrification des gestes et des idées, qui vont ensemble. ») j’apprends que nous partons vers un troisième confinement.

    Derrière nous, le jour d’après

    Mars 2021 – Le morceau (et l’album) du mois :

    coming down from another drunk coma… Everything just slips away… ride on through the Judgment Day… I woke up broken down… One more for the pain… (Scott H. Biram)

    Article rédigé dans la nuit du 31.03 au 01.04. Textes & photos : Manu, sauf indication contraire.

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  • Docteur Sax – Livre VI : Le château

    (suite…)

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