Zonards des grands Z'espaces
« Une étrange accalmie se produisit – après la crue et avant les mystères – l’Univers resta un moment suspendu, immobile, comme une goutte de rosée sur le bec d’un oiseau, à l’aube. »
Après l’épisode de la crue, le début du livre VI marque une petite pause, un moment de répit qui ressemble au tout début des « Illuminations » de Rimbaud :
« Aussitôt après que l’idée du Déluge se fut rassise,
Un lièvre s’arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée. »
Mais « l’accalmie » sera de courte durée.
Jack retrouve rapidement Dr Sax, « grand et haut et noir » avec une « longue face verte sous le sombrero rabattu comme un linceul. » Le docteur lui tient des discours étranges auxquels il ne comprend rien mais dont il est persuadé de la sagesse, il sait instinctivement que Sax est son ami et il décide de le suivre dans « la nuit de Mars. »
« Dis au revoir aux dunes, à ce que tu appelles ta maison… »
La suite de l’aventure semble tenir à la fois du rêve et de la bande-dessinée, on suit Jack et Sax courant à vive allure à travers bois, se cachant dans la cape du « fantôme de la nuit », observant les enfants de Lowell en train de lire des illustrés dans leurs chambres… Ils courent jusqu’à la cabane de Sax où le docteur a mis au point les poudres d’herbes capable de terrasser le Serpent qui s’extirpera du centre de la Terre dans quelques heures pour détruire le monde.
Docteur Sax divague, il est fou, et Jack commence à s’inquiéter. « Oooh- Ah- l’homme ! » dit Pondue Pokie, le chat géant dans la cabane.
Au matin, toutes les forces du Mal sont à Lowell pour le réveil du Serpent du Monde. Dans la ville, en ce Dimanche matin de Mars, personne ne se doute de rien à l’église, mais sur la colline, le destin de l’humanité toute entière est en train de se jouer.
« Le feu dévorera tes Lowells, le Serpent se repaîtra dans vos métros, d’une chiquenaude timide il fera disparaître des directoires entiers et des listes de recensement, les libéraux et les réactionnaires seront emportés dans le flot de son breuvage, la droite et la gauche seront confondues en un seul ténia silencieux dans son intestin indestructible. Vos services d’incendies ordinaires, des services émoussés, ne serviront à rien. La terre retourne se livrer au feu, le courroux occidental est terminé. »
Dr Sax jette ses poudres sur le Serpent mais elles ne sont d’aucun effet, vingt ans de recherches réduites à néant. Tout est fini ? Non. Kerouac, rédigeant Doctor Sax à Mexico sous l’effet de psychotropes divers et variés, n’a pas l’intention de réduire la terre de son enfance à un amas de cendres. Pour sauver le monde d’une fin terrible, il va faire appelle à une légende aztèque.
Alors que tout semble perdu, que Sax, battu, a repris une allure humaine misérable, un « vaste oiseau noir » avec « des étendards à ses plumes » crève le ciel gigantesque de la Nouvelle-Angleterre et fond sur le Serpent qui vient de sortir de terre pour le happer d’un coup de bec et l’emporter avec lui vers le ciel avant de disparaître dans l’horizon lointain. La légende de l’Aigle dévorant un Serpent est à la base même de la création de Tenochtitlan, ancienne capitale des Aztèques devenue depuis Mexico, et ces deux animaux apparaissent encore aujourd’hui sur le drapeau du Mexique.
Le Jugement Dernier n’a donc pas eu lieu, le Docteur Sax se sent bafoué de n’avoir eu aucun rôle à jouer dans le combat suprême.
« Nom de Dieu, dit-il avec étonnement. L’Univers se débarrasse tout seul de son mal. »
Il repartira dans les bois et Jack le reverra de temps à autre. « Maintenant, il ne distribue plus que de la joie ».
Jackie, lui, retourne vers la ville revoir sa famille et ses amis, joyeux et insouciant, comme si il ne s’était rien passé. Mais s’est-il réellement passé quelque chose ?
« Il y a plus de façons de se sortir de ce labyrinthe que tu ne le crois. » (Dr Sax)
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