2. Mai a été remplacé par un autre mois, Février ou Mars.
3. « Déconfinement » est un mot inventé en 2020, il figure pour la première fois dans l’édition 2021 du Larousse : Action de faire cesser le confinement ; fait de ne plus être confiné.
4. Plus d’un an après son entrée en vigueur, le déconfinement n’est toujours pas achevé.
5. « Même si le gouvernement n’a jamais employé le terme de confinement pour les mesures restrictives de ces dernières semaines, dans les faits, beaucoup voient comme un déconfinement les annonces prévues par Emmanuel Macron. »
6.
7. J’ai retrouvé un article du Monde datant de Mars 2020, son titre : « Il y aura un avant et un après, si nous survivons. »
8. « La meilleure des choses à faire, n’est-ce pas, quand on est dans ce monde, c’est d’en sortir ? Fou ou pas, peur ou pas. »
9. La sécurité, valeur insurpassable au nom de laquelle s’empilent les lois liberticides depuis des années, mais à une allure encore plus soutenue depuis Mars 2020.
10. Dans les derniers sondages du genre « pourquoi est-ce que vous voyagez ? », la réponse la plus fréquente des français est : pour quitter la France.
11. Premier jour du déconfinement, tout se passe exactement comme je l’avais imaginé. Les gens sont ressortis en masse dans les rues, mais masqués et craintifs. Les regards ont changé, les choses ont changé, certaines boutiques refusent les gens qui ne portent pas de masque…
12. Je suis quand même parti marcher, traîner dans cet asile à ciel ouvert.
15. Le « jour d’après » est derrière nous depuis le premier jour du confinement.
16. Nous avons vu dans le taux d’équipement technologique de chacun la condition pour endurer une réclusion qui, il y a encore dix ans, aurait été éprouvée comme intolérable.
17.
18. « Le problème de la police, c’est la justice », déclare le secrétaire général du syndicat de police Alliance (qui avait précédemment dit que « la liberté de la presse et la sécurité des fonctionnaires sont, malheureusement, deux principes opposés ») lors d’une manifestation de flics devant l’Assemblée à laquelle a répondu une grande partie de la classe politique du pays ainsi que le ministre de l’Intérieur, par ailleurs accusé de viol.
19. Permission de 21 h.
20. Ce qui est dingue, c’est que tout se passe exactement comme nos gouvernants l’ont voulu. L’économie ne s’est pas effondrée, la fronde politique n’a pas eu lieu et ils ont même réussi à faire travailler les gens pendant les confinements !
21. « Les jours de fête, je les maudis, cette façon de sucre d’orge donné à sucer aux pauvres gens, et qui sont d’accord avec ça et on retournera lundi pointer. »
22. Comme pour le pseudo-déconfinement de l’année dernière, la réouverture de quelques bars à terrasse jusqu’à 21 h ne me procure pas un enthousiasme débordant…
24. Nous avons vu une nouvelle vertu civique naître de ce qui était hier encore un délit : être masqué. Nous avons vu la pétoche protester de son altruisme et la normopathie se donner en exemple. Nous avons vu le plus complet désarroi quant à la façon de vivre — la plus complète étrangeté à soi — dispenser des leçons de savoir-vivre. Nous avons vu dans cette incertitude, et dans cette étrangeté, la promesse de mœurs intégralement reprogrammables.
25. Ecouvillonnage nasopharyngé.
26. Pour se rendre en Belgique, il faut désormais remplir une fiche qui se termine par ces quelques mots qui disent tout du monde dans lequel nous avons basculé : « Merci de nous aider à protéger votre santé. »
27. Ce qui faire peur, c’est de savoir que les gens qui dénoncent leur voisin qui ne respecte pas les gestes barrières le font par « civisme ». C’est encore pire que s’ils le faisaient juste pour l’emmerder.
28. C’est étrange, c’est comme si ce n’était pas Mai. D’habitude, fin Mai, il s’est déjà passé mille trucs : des fêtes, des manifs, des virées, des concerts… Là, rien.
29. La classe dirigeante est obligée de donner à ses pensées la forme de l’universalité, de les représenter comme étant les seules raisonnables, les seules universellement valables.
30. Alors souriez, allez saluer la masse, en attendant le sniper isolé comme à Dallas…
31.
Contient des bouts de Choses vues, de Ferré, de Marx et quelques autres…
Une chose m’étonne prodigieusement – j’oserai dire qu’elle me stupéfie – c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ?
Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l’attendons.
Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s ’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n’importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer – ô folie admirable et déconcertante – des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l’électeur « qui la connaît » et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c’est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?
Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d’hommes, et Baudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?… Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?
Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu’il voie, au travers d’un mirage, fleurir et s’épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c’est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.
Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l’écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.
Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.
Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.
Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.
Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.