• La Montagne Noire

    (Sur un air de sevdah – part. 4)

    ***

    La suite du voyage nous éloigne un peu de la sevdah puisqu’on quitte la Bosnie-Herzégovine. On reste cependant à ses frontières, au Monténégro. Ce ne sera donc pas une chanson de sevdah qui illustrera cet article, mais un morceau ambient que j’ai réalisé en rentrant de ce voyage et qui contient un enregistrement de la mer Adriatique réalisé à Sutomore, sur la côte monténégrine, et plus précisément sur la plage Devachen, un lieu semi-secret et magique auquel on accède en traversant un tunnel de 400 mètres… Devachen :

    Nikšić :

    Après environ deux semaines en Bosnie-Herzégovine, je suis arrivé au Monténégro via un tout petit poste-frontière dans les montagnes, à une trentaine de kilomètres au sud de Foča, où je venais de passer deux jours. En arrivant par ici, d’emblée, le paysage est magnifique. Je songe à m’arrêter à Plužine, mais je pousse finalement jusqu’à Nikšić. Si vous êtes déjà allé en Ex-Yougoslavie, il y a de grandes chances que vous connaissiez ce nom grâce à (ou à cause de) la bière qu’on y brasse, la Nikšićko, une des plus célèbres des Balkans !

    Je suis resté trois jours à Nikšić mais, à cause d’un sévère lumbago, je n’ai pas pu y faire tout ce que je voulais. J’y ai quand même vu l’impressionnant Monument des Partisans Communistes et la superbe Forteresse de Bedem, d’où viennent plusieurs des photos qui suivent…

    ***

    Podgorica :

    Après des semaines à voyager en bus, j’étais heureux de découvrir une gare ferroviaire à Nikšić, et c’est de là que je suis parti pour rejoindre la capitale du pays, Podgorica. Au Monténégro, de nombreuses villes ont des noms en lien avec la montagne. Le nom même du pays, évidemment, Crna Gora en version originale, veut dire Montagne Noire. Podgorica signifie plus quelque chose comme Sous la petite montagne, mais la ville avait été renommée Titograd durant toute la période yougoslave !

    ***

    J’ai adoré Podgorica. J’avais entendu beaucoup de choses sur cette ville, que les voyageurs et touristes semblent ne pas trop aimer. La raison en est assez simple : Podgorica n’est pas une capitale destinée aux touristes, c’est juste une ville normale avec des habitants dedans. Il n’y a pas pléthore de musées, de clubs, de spots pour expatriés et voyageurs, tout le monde ne parle pas anglais… Si on ajoute à cela que la nature tout autour est magnifique (la mer n’est pas loin, les montagnes assiègent la cité…), on a une ville où les touristes ne passent qu’une nuit en descendant de leur avion, avant de se casser. Ainsi, ils ne découvrent pas vraiment Podgorica, son ambiance, ses différents quartiers, ses bars, ses restaurants, ses parcs… On avait vécu la même chose avec Oulan-Bator, en Mongolie, ville méprisée par les touristes dans laquelle nous avions fait de superbes rencontres et vécu des choses incroyables. Encore une preuve qu’il faut toujours aller voir par soi-même plutôt que d’écouter les on-dit…

    ***

    Sutomore :

    Étant déjà allé plusieurs fois sur la côte monténégrine, j’ai cherché une destination que je ne connaissais pas, et c’est tombé sur Sutomore. Sutomore est une superbe petite ville calée entre les montagnes et la mer, c’est très vivant et très peuplé en été, mais ça n’en reste pas moins magnifique ! Mon lumbago de Nikšić m’a empêché ici aussi de trop grimper aux montagnes, je me suis donc rabattu sur le bord de mer, c’était pas mal non plus !

    ***

    Après trois jours de chaleur intense, j’ai quitté Sutomore sous l’orage et suis retourné traîner un peu à Podgorica… J’ai quitté le Monténégro le 6 août dans le train Tara qui va jusqu’au nord de la Serbie. Je me suis arrêté à Belgrade, où j’ai encore passé trois jours complétement déments avant de prendre pour de bon le chemin du retour.

    (Encore deux articles à suivre avant la fin de la série…)

    ***

    Devachen :

    Visuel : Malka
    Article & musique : Manu

    . . .

  • Gospić / Smiljan

    24 – 26 juillet 2021

    « Je me fiche qu’ils aient volé mon idée… Je m’inquiète du fait qu’ils n’en aient pas eux-mêmes. »

    Nikola Tesla

    En Croatie, le réseau de bus est plutôt bien foutu, on peut aller presque partout pour pas très cher et le site Arriva permet de s’y retrouver en ce qui concerne les grandes lignes. C’est donc en bus que nous avons quitté la Dalmatie pour remonter en direction de la capitale mais, avant d’aller découvrir Zagreb, nous avons décidé de faire une étape dans un coin un peu plus tranquille…

    Nous avons été les seuls passagers du bus à descendre à Gospić, petite ville de 6500 habitants située au cœur de la Lika, la région la plus sauvage et la moins peuplée de Croatie, tout en reliefs montagneux et vallées verdoyantes, s’étendant de la côte jusqu’à la frontière bosnienne.

    Accueillis par un retentissant « Ah, you are my tourists » en arrivant à l’apartmani (location chez l’habitant) que nous avions réservés, nous nous sommes retrouvés – après cinq nuits dans des logements plutôt précaires à Split – dans un appartement tout confort, au calme, avec une bouteille d’eau de vie dans le frigo en guise de cadeau de bienvenue !

    Nous ne sommes restés que deux nuits à Gospić, notre idée principale en venant ici était d’aller ensuite jusqu’à Smiljan, un petit village distant de quelques kilomètres, pour y visiter le Mémorial Nikola Tesla.

    Car si « Tesla » fait aujourd’hui penser à la voiture électrique d’Elon Musk, il ne faudrait pas oublier que ce nom est avant tout celui d’un des plus grands inventeurs des XIXème et XXème siècle, un penseur de génie qui a « éclairé le monde », en posant notamment les bases de l’utilisation du courant alternatif à grande échelle.

    Nikola Tesla est né en 1856 à Smiljan au sein d’une famille serbe orthodoxe, à une époque où la Croatie faisait encore partie de l’Empire d’Autriche. D’où une querelle bizarre et persistante entre les gouvernements serbes et croates qui s’écharpent régulièrement à propos des origines de Tesla, né autrichien dans une ville historiquement croate mais au sein d’une famille serbe… Maintenant que ces deux pays sont indépendants, Tesla est-il plus authentiquement croate ou serbe ?

    La question est prise très au sérieux par les deux parties et la controverse a d’ailleurs rejailli pendant notre voyage lorsque le gouvernement croate a annoncé la future création de pièces de monnaie à l’effigie de Nikola Tesla…

    De son vivant en tout cas, Tesla a d’abord été autrichien puis… américain. Il a en effet pris la nationalité américaine à l’âge de 35 ans, alors qu’il vivait et travaillait aux États-Unis depuis déjà longtemps et qu’il y passerait ensuite le reste de sa vie, ses découvertes contribuant grandement à l’électrification du pays.

    Inventeur de génie mais mauvais comptable, il s’enrichit aussi vite qu’il se ruine et meurt complètement fauché à New York en 1943, laissant derrière lui des ardoises de plusieurs milliers de dollars aux hôtels de luxe dans lesquels il vivait.

    Quoi qu’il en soit, la visite du Mémorial vaut vraiment le coup et la marche de six kilomètres entre Gospić et Smiljan s’avère une excellente randonnée, à condition de passer par les petits chemins plutôt que par la route principale.

    À noter aussi que Gospić est une ville infiniment plus vivante que les villes françaises comptant le même nombre de résidents, car quelle ville de moins de 10 000 habitants en France possède encore une dizaine de bars, plusieurs restaurants, deux ou trois terrains de sport et de multiples épiceries ?

    Merci Gospić, merci Smiljan, un dernier kava (café) au Club Bizzare à côté de la gare routière et nous partons pour Zagreb.

    . . .