• The roads never lead where they’re supposed to go

    (Sur un air de sevdah – part. 6 / Il n’y a pas de fin – part. 15)

    The roads never lead where they’re supposed to go (Les routes ne mènent jamais là où elles sont censées aller) est un vers extrait du morceau Drenched de Calexico, écrit par Joey Burns.

    Dernier épisode de la série Sur un air de sevdah. Quinzième épisode de la série Il n’y a pas de fin.

    Il est tout à fait normal que certaines photos soient floues, c’est comme ça que je voyais au bout d’un moment…

    « Jusqu’à présent je me suis préservé des montres et des horloges. » Everett Ruess

    « Mois et jours sont passants perpétuels, les ans qui se relaient, pareillement sont voyageurs. Celui qui sur une barque vogue sa vie entière, celui qui la main au mors d’un cheval s’en va au-devant de la vieillesse, jour après jour voyage, du voyage fait son gîte. » Bashō

    « Our endless and impossible journey toward home is in fact our home. » David Foster Wallace

    « Au ras du sol s’allumaient des lumières, et le fleuve invisible appelait à lui, comme toujours, le peu de vie qui restait dans la ville […] la patrie de la Révolution était dans l’ombre verdâtre de ces fonderies […] et ces marcheurs misérables qui se perdaient dans la brume gluante où les lanternes devenaient de plus en plus nombreuses avançaient tous dans le sens du fleuve […] avec leurs gueules de défaites, présages chassés vers lui par la nuit menaçante. » André Malraux

    « This part is my part of the movie, let’s hear yours. » Jack Kerouac

    Photo en une : Nikšić 0

    Lieux : Munich (Allemagne), Graz (Autriche), Brčko, Gradiška (Bosnie-Herzégovine), Lacs de Plitvice, Lovran, Zagreb (Croatie), Nikšić, Podgorica (Monténégro), Belgrade (Serbie)

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    Épisodes précédents :
    * Sur un air de sevdah
    * Sur un air de sevdah – part. 2
    * Broken World – Zone 84
    * La Montagne Noire
    * Retour en Croatie

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  • La Montagne Noire

    (Sur un air de sevdah – part. 4)

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    La suite du voyage nous éloigne un peu de la sevdah puisqu’on quitte la Bosnie-Herzégovine. On reste cependant à ses frontières, au Monténégro. Ce ne sera donc pas une chanson de sevdah qui illustrera cet article, mais un morceau ambient que j’ai réalisé en rentrant de ce voyage et qui contient un enregistrement de la mer Adriatique réalisé à Sutomore, sur la côte monténégrine, et plus précisément sur la plage Devachen, un lieu semi-secret et magique auquel on accède en traversant un tunnel de 400 mètres… Devachen :

    Nikšić :

    Après environ deux semaines en Bosnie-Herzégovine, je suis arrivé au Monténégro via un tout petit poste-frontière dans les montagnes, à une trentaine de kilomètres au sud de Foča, où je venais de passer deux jours. En arrivant par ici, d’emblée, le paysage est magnifique. Je songe à m’arrêter à Plužine, mais je pousse finalement jusqu’à Nikšić. Si vous êtes déjà allé en Ex-Yougoslavie, il y a de grandes chances que vous connaissiez ce nom grâce à (ou à cause de) la bière qu’on y brasse, la Nikšićko, une des plus célèbres des Balkans !

    Je suis resté trois jours à Nikšić mais, à cause d’un sévère lumbago, je n’ai pas pu y faire tout ce que je voulais. J’y ai quand même vu l’impressionnant Monument des Partisans Communistes et la superbe Forteresse de Bedem, d’où viennent plusieurs des photos qui suivent…

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    Podgorica :

    Après des semaines à voyager en bus, j’étais heureux de découvrir une gare ferroviaire à Nikšić, et c’est de là que je suis parti pour rejoindre la capitale du pays, Podgorica. Au Monténégro, de nombreuses villes ont des noms en lien avec la montagne. Le nom même du pays, évidemment, Crna Gora en version originale, veut dire Montagne Noire. Podgorica signifie plus quelque chose comme Sous la petite montagne, mais la ville avait été renommée Titograd durant toute la période yougoslave !

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    J’ai adoré Podgorica. J’avais entendu beaucoup de choses sur cette ville, que les voyageurs et touristes semblent ne pas trop aimer. La raison en est assez simple : Podgorica n’est pas une capitale destinée aux touristes, c’est juste une ville normale avec des habitants dedans. Il n’y a pas pléthore de musées, de clubs, de spots pour expatriés et voyageurs, tout le monde ne parle pas anglais… Si on ajoute à cela que la nature tout autour est magnifique (la mer n’est pas loin, les montagnes assiègent la cité…), on a une ville où les touristes ne passent qu’une nuit en descendant de leur avion, avant de se casser. Ainsi, ils ne découvrent pas vraiment Podgorica, son ambiance, ses différents quartiers, ses bars, ses restaurants, ses parcs… On avait vécu la même chose avec Oulan-Bator, en Mongolie, ville méprisée par les touristes dans laquelle nous avions fait de superbes rencontres et vécu des choses incroyables. Encore une preuve qu’il faut toujours aller voir par soi-même plutôt que d’écouter les on-dit…

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    Sutomore :

    Étant déjà allé plusieurs fois sur la côte monténégrine, j’ai cherché une destination que je ne connaissais pas, et c’est tombé sur Sutomore. Sutomore est une superbe petite ville calée entre les montagnes et la mer, c’est très vivant et très peuplé en été, mais ça n’en reste pas moins magnifique ! Mon lumbago de Nikšić m’a empêché ici aussi de trop grimper aux montagnes, je me suis donc rabattu sur le bord de mer, c’était pas mal non plus !

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    Après trois jours de chaleur intense, j’ai quitté Sutomore sous l’orage et suis retourné traîner un peu à Podgorica… J’ai quitté le Monténégro le 6 août dans le train Tara qui va jusqu’au nord de la Serbie. Je me suis arrêté à Belgrade, où j’ai encore passé trois jours complétement déments avant de prendre pour de bon le chemin du retour.

    (Encore deux articles à suivre avant la fin de la série…)

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    Devachen :

    Visuel : Malka
    Article & musique : Manu

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  • Broken World – Zone 84

    (Sur un air de sevdah – part. 3)

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    Zone 84

    Voici la Zone 84, mon usine à la plage
    Canettes de bière, bouteilles, seringues et coquillages
    Machine sans âge, chiens errants devant l’usine
    Poursuivent les mouettes dans les vestiges et les ruines

    D’une ère passée, où l’industrie ramenait l’argent
    En témoignent la rivière polluée, le mercure, le plomb dedans
    Crasse des ans, héritage toxique
    Sous les ondulations dangereuses des fils électriques
    C’est pas l’Amérique, l’Eldorado
    À part les mouettes crasseuses, il ne reste plus un oiseau
    Et plus un gosse ne joue là où on jouait gamins
    Barrières et barbelés interdisent l’accès au terrain

    Là où rien ne va bien, là où chacun fait
    Ce qu’il peut pour survivre sans jamais être aidé
    Des bibles et des articles de charlatans sur les étals
    Et moi qui vends des cartes postales
    De la Zone 84…

    Les blockhaus sur la plage noire, les bâtiments inachevés
    Vestiges d’une station balnéaire qui n’a jamais existé
    Les terrasses de cafés vides en cette nuit de décembre
    Les flocons qui tombent comme des cendres
    Lassé sur la promenade du front de mer sinistre
    Sous les réverbères à la lumière blafarde
    Monotone et fade, toujours le même registre
    Comment y concilier mes émotions bâtardes

    Une usine désolée au bord d’une rivière
    Qui charrie des pneus qui s’enterrent dans la boue et prennent racine
    Je connais cette atmosphère comme si c’était chez moi
    Même les dessin animés de mon enfance ressemblaient à ça

    Des arêtes rongées par les chats dans les poubelles
    Je crois que c’est quand la ville était la plus sale qu’elle était la plus belle
    De vieilles balles de tennis déchiquetées par les chiens
    Et près de la benne à ordures tous les gamins du coin
    On grimpait sur les murs rouge brique, on y restait
    Comme cette photo d’ouvriers sur les gratte-ciels new-yorkais

    Gamins aux genoux écorchés, aux fringues de nos grands frères
    On était déjà démodés rien qu’en arrivant sur Terre
    On s’est servi là où on pouvait dans nos coins perdus
    Avec la sensation à dix piges à peine d’être les rois de la rue
    Sur les graviers, le goudron, l’herbe, le tapis
    De feuilles humides de la forêt du début de nos vies
    Dans la Zone 84…

    Zonant dans la Zone 84 au volant d’un vélo Mad Max
    Naviguant entre les tours de béton gris, relax
    De l’eau de machine coule sur le béton fissuré
    J’observe et m’interroge sur mon quartier déstructuré
    Quatre types aux mains pleines de cambouis passent
    Ça sent l’essence, plein de capots ouverts sur la place
    Le goudron semble fondre sous la chaleur
    D’un été brûlant et étouffant quelque soit l’heure

    Les lézards exsangues écrasent sur le bitume
    Dans le bistrot du coin ça picole et ça fume
    Dans les champs, des carcasses de deux-chevaux crevées
    Les mobylettes hurlent, les pots d’échappement percés

    Les grands hangars des chantiers rouillent sur la plage
    Dès qu’on sort de la gare, on fait face au grand large
    Quelques bandes de goudron à moitié ensablées
    Et de l’usine coule des liquides contaminés
    Cabanes en tôle où les vagues frappent à la porte
    Clochards sans complice, chiens errants sans escorte
    La vieille gitane tire les cartes dans sa caravane
    Et la tempête gronde sous les crânes

    Cafés en gobelets servis sur le trottoir
    Grands-mères édentées qui mendient dans leur désespoir
    On prie ou se signe aux pieds des églises
    Mais rien, non rien, ne conjure la crise

    La décharge publique déborde sur la rivière
    Les écrans cassés voguent de là jusqu’à la mer
    L’encre, la peinture se déversent et colorent
    L’eau et la terre qui supportent nos sorts
    Dans la Zone 84…

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    Photos : Bijeljina, Brčko, Doboj, Foča, Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), Karlovac, Lovran, Plaški, Pula, Rijeka (Croatie), Nikšić, Podgorica, Sutomore (Monténégro), Belgrade (Serbie). 18.04.2025 / 07.08.2025

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    Texte et photos : Manu Hollard
    Zone 84 est un morceau en préparation, à venir chez Zuunzug music : https://zuunzug.bandcamp.com/ et https://soundcloud.com/zuunzug

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