Zonards des grands Z'espaces
Le premier mot hongrois que l’on apprend est « eladó », « à vendre », dans la campagne que nous traversons, des deux côtés de la route et sur une bonne moitié des maisons, ce mot s’affiche sur des pancartes quand il n’est pas directement écrit à même la brique ou le parpaing.
Nous traversons des champs interminables, des petits villages flingués au nom plein de g et de y, avec des trémas sur les o et des accents sur les a. Notre camion passe des baraques hors d’âge, de constructions douteuses, sur l’une d’elles, des sortes de décalcomanies de personnages Disney. C’est absurde mais ça me rappelle cette partie des États-Unis que nous avons traversé il y a trois ans en bus Greyhound, et cette ville, Santa Maria, entre San Francisco et L.A. où nous avons passé la nuit. Là-bas les mômes, tous des petits d’origine mexicaine, avaient carrément stoppé leur entraînement de baseball pour venir nous voir aux grilles du parc, trop étonnés de voir des blancs-becs avec de gros sacs sur le dos débarquer ici. Pas de baseball à Daruszentmiklós, on y croisera pas le moindre enfant non plus, mais j’éprouve cette même sensation d’être dans un grand nulle part au bout du monde, comme si nous étions les seuls étrangers à être passés par ici. Le camtar cahote sur la route cabossée, presque toutes les maisons sont eladó.
Après nous être perdus sur des chemins de terre, plongeant dans une forêt d’arbres de contes fantastiques, nous revenons sur nos pas et trouvons enfin le camping gratuit où Sara a passé une nuit il y a de ça plusieurs années. Le terrain borde le Danube où une famille pêche sans grande conviction, il n’y a personne à part eux, il faut dire qu’on est début Avril. Après être passés par les sanitaires, on va au bar du camping – un barnum et une cahute – où on commande des bières hongroises pour 350 forints la pinte soit à peine plus d’un euro. À ce prix là, on s’en remettra une tournée avant d’aller taper dans celles qui nous attendent à l’arrière du camion. La soirée se passe pénard, on plante les tentes et le soleil décline lentement, c’est la deuxième fois que nous passons la nuit au bord du Danube après celle d’hier à Oberloiben, Autriche, et demain nous serons en Serbie.
Le lendemain, je suis réveillé à l’aube par le concert de dizaines d’oiseaux déchaînés, un gros bordel ! Je vais pisser dans le brouillard matinal puis retourne dans la tente où je finis par me rendormir dans une sorte de demi-sommeil peuplé de rêves étranges, dans l’un d’eux le Danube est en fait le Mississippi, et il a visiblement toujours été là, en Hongrie. Une fois debout, Malka et moi allons longer le Danube/Mississippi en attendant que le reste de la clique se manifeste. Cela ne fait que quelques dizaines de mètres qu’on marche quand on se retrouve les pieds dans une boue pleine d’enjoliveurs, de bidons d’essence, de rétros, de pneus – rien que des choses essentielles à la navigation – et on s’aperçoit que ce coin est finalement moins bucolique qu’il en a l’air. Au milieu de tout ça, une énorme chaussure marquée d’un « REFUGEES ».
Nous levons le camp en toute fin de matinée, grâce à quelques panneaux j’arrive à capter que nous avons passé la nuit à Harta. Sükösd, Nagybaracska ou encore Hercegszántó suivront avant notre arrivée au poste-frontière de la Serbie où, après un rapide tamponnage de passeports, nous quittons l’espace Schengen.
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