Épisode 15 : Brčko

20 – 23 septembre 2022 (kilomètre ≃ 3338)

Why Brčko? C’est la question que nous ont posé, avec un réel étonnement, la plupart des bosniens à qui nous avons déclaré vouloir nous rendre dans cette petite ville située au bord de la Save, à un pont de la frontière croate.

Brčko n’est, il est vrai, ni la plus touristique ni la plus illustre des villes de Bosnie-Herzégovine, elle a cependant un statut extrêmement particulier dans le pays. Elle fait en effet parti, depuis 2000, d’un « district autonome » (le district de Brčko) qui ne dépend ni de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine ni de la République serbe de Bosnie, tout en faisant parti des deux… En gros, ce territoire possède son propre gouvernement et jouit d’une certaine autonomie mais reste soumis aux lois du pays. Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, je vous invite à lire les quelques articles de fond qu’on peut trouver sur internet car je ne vais pas me risquer à rentrer dans les détails !

Bref, why Brčko? Pour la curiosité principalement. Curiosité pour une ville que l’auteur Bekim Sejranović évoque souvent, même si c’est la plupart du temps pour parler de la rivière qui y coule, la Save. Curiosité pour une zone ayant un statut autonome, même si cela ne fait pas beaucoup de différence au final… Curiosité pour une ville située pile à la frontière, une frontière qui n’existait pas il y a encore trente ans. Curiosité pour un lieu dont on ne savait pas prononcer le nom (se prononce Beurtchko). Et, bien sûr, curiosité pour un endroit qui n’est dans à-peu-près aucun guide ou blog de voyage, une ville qui ne possède ni lieu « à visiter absolument » ni attraction « à ne pas rater ». J’ai appris dans le passé que c’est souvent dans ce genre d’endroit qu’on peut vivre les trucs les plus drôles et faire les rencontres les plus improbables, et ces trois jours à Brčko me l’ont encore une fois confirmé !

Why Brčko? Nous avons cessé de nous poser la question dès le premier soir après un concert de musique folk dans un Balkan Pub surpeuplé. Le deuxième soir, un mercredi, fut encore plus dingue et s’est achevé dans une ambiance presque « kusturicienne » (voir les films d’Emir Kusturica). Le troisième fut l’apothéose, rencontres, rigolades et bières jusqu’à pas d’heure dans un bar qui aurait dû être fermé depuis longtemps… Et dire qu’on n’était qu’au milieu de la semaine !

À séjour de dingue, bande-son déglinguée ! Le Brčko Field Recording n’est ni le plus propre ni le plus « pro » de mes enregistrements mais il est à l’image de cette ville ou, en tout cas, de ce que nous y avons vécu : Les enfants crient, les chiens aboient (et font saturer les micros), les gens chantent (mal ?) et la musique est toujours à fond. Bref, on s’est éclatés et inutile de nous demander why on retournera à Brčko !

(Groupe qui joue sur l’enregistrement : Erman i Boris au Balkan Pub)

Prochaine étape : Banja Luka.

7 réponses à « Épisode 15 : Brčko »

  1. Avatar de A Hundred Days in the Balkans – Zuun Zug

    […] Budva)Épisode 12 : Septembre SarajevoÉpisode 13 : Mostar, Bosnie-HerzégovineÉpisode 14 : TuzlaÉpisode 15 : BrčkoÉpisode 16 : Banja LukaÉpisode 17 : Zagreb, CroatieÉpisode 18 : Skopje (Скопје), Macédoine […]

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  2. Avatar de Sylvie Ge

    les photos sont magnifiques !

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    1. Avatar de Manu-Zuunzug
      Manu-Zuunzug

      Merci beaucoup ! C’était facile avec une si belle ville 😉

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  3. Avatar de florentboucharel

    Le statut autonome de la région avait en soi de quoi attirer un routard, qui pouvait s’attendre à trouver des particularités locales, par exemple une tribu farouche refusant l’annexion par ses voisins. Recherches faites, il semblerait que la réalité politique derrière cette autonomie du « district de Brcko » soit moins romantique : il s’agit en fait d’un « couloir stratégique » qu’un jugement du tribunal arbitral a rendu autonome en 1999, après les accords de paix de Dayton de 1995, dans un esprit de compromis, pour ne favoriser ni la fédération de Bosnie-Herzégovine ni la République serbe de Bosnie sur ce couloir, qui reste ainsi une sorte de territoire international, comme les eaux internationales, même si par international il faut entendre ici les deux entités susnommées. A elles trois ces entités forment l’Etat de Bosnie-Herzégovine, c’est-à-dire que l’élément bosniaque me paraît indubitablement désavantagé, et sa souveraineté précaire, une République serbe de Bosnie subsistant à côté de la République de Serbie (capitale Belgrade) et l’existence du district autonome de Brcko étant la preuve que cette République serbe ne s’éprouve pas comme appartenant à la souveraineté de Bosnie-Herzégovine puisqu’il fallait garder cette partie, Brcko, « neutre », ce qui ne peut s’entendre que dans un contexte sinon de belligérance, du moins d’antagonisme, et ce entre parties supposées constituer un Etat national. Un tel Etat n’est donc pas viable et les Bosniaques sont privés d’un véritable Etat.

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    1. Avatar de Manu-Zuunzug
      Manu-Zuunzug

      Parfaitement d’accord ! Cela me semblait un peu compliqué de détailler tout ça dans l’article mais tu as fait une bonne synthèse de la situation 😉

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      1. Avatar de florentboucharel

        Merci. Je dois préciser que je n’avais pas la notion de ces choses avant d’avoir lu ton billet, qui m’a conduit à ces recherches. A présent, je ne vois pas comment la Serbie (capitale Belgrade) ne serait pas dans l’attente de dénoncer un tel compromis territorial puisqu’elle a subi des démembrements depuis les accords de paix, c’est-à-dire que le compromis d’origine a déjà été remis en cause : scission de la communauté d’Etats de Serbie-et-Monténégro en 2006 et indépendance autoproclamée (et contestée par la Serbie) du Kosovo en 2008. Or, dans le cas du Kosovo, il m’apparaît que l’absence de parallélisme avec la situation en Bosnie-Herzégovine a pu susciter la partition. Pourquoi, en effet, le Kosovo très majoritairement albanophone n’était-il pas une « république albanaise de Serbie » au sein de la République de Serbie, comme la « République serbe de Bosnie » au sein de l’Etat de Bosnie-Herzégovine ? D’un autre côté, même au cas où le Kosovo avait en Serbie-Belgrade un statut particulier, multiplier les autonomies au sein d’Etats nationaux n’a pas non plus vraiment de sens et l’idée de faire son chemin en dehors de tel ou tel Etat national est alors toujours vivante. Mais une République de Serbie et une République serbe voisines sont une curieuse façon de parler d’une seule et même chose, pour ménager un élément bosniaque qui ne peut être dupe.

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        1. Avatar de Manu-Zuunzug
          Manu-Zuunzug

          C’est vraiment compliqué et, même si les indépendances de la Bosnie et du Kosovo présentent quelques points communs, elles ont surtout chacune leurs nombreuses spécificités… J’ai appris lors de mon voyage – alors que j’envisageais d’aller passer une semaine au Kosovo avant de renoncer (tensions politiques, difficultés pour le passage des frontières…) – que certaines zones à majorité serbe de ce pays vivent encore largement à l’heure de Belgrade (avec des aides financières de la Serbie et la circulation du dinar) et font l’objet de revendications territoriales. Va t-on voir apparaître, après le Kosovo dans la Serbie, une République serbe dans le Kosovo ? Le fait est que depuis l’indépendance, la politique menée par les dirigeants de ce pays est visiblement très nationaliste, voir carrément discriminatoire envers les serbes, on peut donc comprendre que cette communauté ne s’y retrouve pas, après avoir fait si longtemps partie de la Serbie / Yougoslavie.
          En Bosnie, j’ai surtout eu l’impression d’un pays dans une impasse politique, complètement bloqué par un partage du pouvoir entre personnes qui ne peuvent pas s’entendre. Le président de la République serbe (Milorad Dodik) est connu pour ses discours sécessionnistes et négationnistes et les communautés ont bien du mal à revivre ensemble, même si la mixité existe, et notamment à Brčko où le mélange était évident. Peut-être un des bienfaits et/ou une des raisons de la neutralité.

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