• Il n’y a pas de fin – 14.10.2020 / 04.06.2021

    And when you get blue

    And you’ve lost all your dreams

    There’s nothin’ like a campfire

    And a can of beans

    Tom Waits – Lucky Day

    04.06.2021
    03.06.2021
    03.05.2021
    04.06.2021
    14.10.2020
    24.03.2021
    04.06.2021
    30.04.2021

    Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu,

    autant rester chez soi.

    Nicolas Bouvier

    26.03.2021
    24.03.2021
    06.05.2021
    24.03.2021
    08.12.2020
    28.05.2021
    26.03.2021
    07.05.2021
    03.06.2021

    Voici les photos de nos routes

    Prises d’avion par nuit de brouillard

    Hubert-Félix Thiéfaine – Errer Humanum Est

    À La Rochelle, Gent, Aytré, De Panne, Le Mans, Angoulins, Zuydcoote.

    . . .

  • Broken World V

    « Je contourne les lois d’un peuple jusqu’à ce que j’aie pu rassembler toutes mes forces pour les renverser. » (Max Stirner)

    « Le meilleur des gardiens de prison est le prisonnier… pour peu qu’on lui donne un fusil et un gallon. » (Augustin Gomez-Arcos)

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    Décembre 2019

    « Gibier de garni, obligé pendant des années, d’accepter n’importe quel trou pour alcôve, et de ne rentrer dans ces trous là qu’à des heures toujours noires, de peur de l’insomnie ou de la logeuse. » (Jules Vallès)

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    « La romantisation de la quarantaine est un privilège de classe ! »
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    Déjà avant le confinement…

    « A travers mes hontes et mes déceptions, j’avais gardé l’espoir que la place publique me vengerait un matin… Sur cette place publique, on vient de me rosser comme plâtre ; j’ai les reins moulus et le cœur las ! » (Jules Vallès)

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    D’un côté, les confinés des villas, qui télétravaillent un orteil dans la piscine ; de l’autre, les invisibles du quotidien, soignants, agents de surface, caissières de supermarché et salariés de la logistique… » (R. Lambert, P. Rimbert – Le Monde Diplomatique)

    « So don’t cry for me for I’m going away / And I’ll be back some lucky day. » (« Alors ne pleurez pas pour moi parce que je m’en vais / je reviendrai un jour de chance ») (Tom Waits)

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    « Le désespoir est une forme supérieure de la critique. » (Léo Ferré)

    « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ; autrement dit, ce sont les idées de sa domination. » (Karl Marx)

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    « Il croise des troupeaux de prolétaires, vieux, femmes, enfants, revenant des bagnes capitalistes quotidiens, voûtés sous leur sordide destinée. […] Mais la mort est la mort, c’est connu depuis la vie. » (Jules Laforgue)
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    « Les travailleurs ont entre les mains la puissance la plus formidable, s’ils en prenaient une fois conscience et voulaient la mettre en œuvre, rien ne leur résisterait. » (Max Stirner)
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    Montluçon, 30.12.19

    « When you asked me how I was doing, was that some kind of joke? » (« Quand tu m’as demandé comment j’allais, était-ce une sorte de blague ? ») (Bob Dylan)

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    « Je me sens coupable d’être né français, de parent français, d’arrière arrière etc… grands parents français, dans un pays où les indigènes pendant l’occupation allemande, écrivirent un si grand nombre de lettres de dénonciation, que les nazis les plus compétents & les mieux expérimentés en matière de cruauté & de crimes contre l’humanité, en furent stupéfaits & même un peu jaloux… » (Hubert-Félix Thiéfaine)
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    Janvier 2020, Paris

    « La liberté ne se donne pas, elle se prend. » (Reine Malouin)

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    « L’Etat ne peut être vaincu réellement que par l’arbitraire impudent. » (Max Stirner)

    « Ni jour, ni nuit, Messieurs, ni hiver, ni printemps, ni été, ni automne, et autres girouettes. Aimer, rêver, sans changer de place, au frais des imperturbables cécités. Ô monde de satisfaits, vous êtes dans la béatitude aveugle et silencieuse, et nous, nous desséchons de fringales supra-terrestres. Et pourquoi les antennes de nos sens, à nous, ne sont-elles pas bornées par l’Aveugle et l’Opaque et le Silence, et flairent-elles au-delà de ce qui est de chez nous ? Et que ne savons-nous aussi nous incruster dans notre petit coin pour y cuver l’ivre-mort de notre petit Moi ? » (Jules Laforgue)

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    Mars 2020, still alive.

    « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution. » (Emma Goldman)

    . . .

  • Looking for a song

    La première trace discographique de la chanson « On the Road » date de 1999, année de la sortie de la compilation « Jack Kerouac Reads On the Road », bizarre disque contenant d’inécoutables reprises de jazz vocal par Kerouac lui-même, une piste de 28 minutes durant laquelle l’auteur lit un passage de « Sur La Route » et deux morceaux simplement intitulés « On the Road ».

    Dans le premier, un Kerouac quelque peu éméché déclare qu’il vient d’écrire une chanson « called On the Road » et il la chante à son magnétophone. Les producteurs du disque ont jugés bon de saupoudrer l’enregistrement amateur de Jack de quelques accords de guitare rajoutés en studio, un choix que l’on qualifiera de douteux. Pour le deuxième morceau, ils ont fait appel à Tom Waits et au groupe Primus, on a droit au même texte mais sur un blues bien rock, une reprise qui transcende clairement toute l’affaire et que Waits rééditera sur le disque « Bastards » de son triple-album « Orphans » en 2006.

    « Left New York nineteen forty-nine.
    To go across the country without a bad blame dime.
    Montana in the cold cold fall.
    I found my father in a gambling hall.

    Father, father, where have you been?
    I’ve been out in the world since I was only ten.
    Son, he said, don’t worry ’bout me.
    I’m about to die of pleurisy.

    Cross the Mississippi, cross the Tennessee.
    Cross the Niagara, home I’ll never be.
    Home in ol’ Medora, home in ol’ Truckee.
    Apalachicola, home I’ll never be.

    Better or for worse, thick and thin.
    Like being married to the little woman.
    God loved me, just like I loved him.
    I want you to do the same just for him.

    The worms eat away. But don’t worry, watch the wind.
    The worms eat away. But don’t worry, watch the wind.
    So I left Montana on an old freight train.
    The night my father died in the cold cold rain.

    Rode to Opelousas, rode to Wounded Knee.
    Rode to Ogallala, home I’ll never be.
    Home I’ll never be. »

    Dans la petite introduction que Kerouac fait de « On the Road » sur son magnétophone, il déclare avoir écrit cette petite chanson « tonight » mais même si on ne connaît pas la date de son enregistrement (on sait juste qu’il s’agit d’une des nombreuses bandes enregistrées récupérées par la famille de sa femme après sa mort) on est en droit de douter qu’il l’ait écrit ce soir-là et même, tout simplement, que ce soit lui qu’il l’ait écrit. Pourquoi ? Parce que c’est lui qui nous le dit !

    Reprenons. Autant que je le sache, la première trace écrite d’un bout de cette chanson se trouve dans « Sur la route ». Au début du chapitre 2 de la quatrième partie, Sal Paradise chante :

    « Home in Missoula,
    Home in Truckee,
    Home in Opelousas,
    Ain’t no home for me.
    Home in old Medora,
    Home in Wounded Knee,
    Home in Ogallala,
    Home I’ll never be. »

    Ce qui est, à quelques petites variations près, un des couplets chantés sur la « tape ». À aucun moment Sal (donc Kerouac) dit avoir composé cette chanson, il la chante dans le bus à minuit, c’est tout.

    En Janvier 1958, quelque mois après la sortie de « Route »,  Jack va être sollicité pour écrire un article pour le magazine Playboy, ça donnera « Blues de la bagarre pour la balade », une nouvelle de 8 pages que ceux qui, comme moi, n’était ni vivant ni lecteur de Playboy en 1958 retrouveront dans « Vraie blonde, et autres », le recueil publié par Grey Fox Press en 1993. Et c’est là qu’on retrouve notre « song called On The Road » écrite « tonight »!

    Dans cette nouvelle, le narrateur (Kerouac himself ?) travaille dans un restaurant à Des Moines « quand une nuit un vieux vagabond noir » s’approche du comptoir et lui commande un café. S’en suit une discussion entre le narrateur et le vagabond et ils finissent par passer un bout de la soirée ensemble à se raconter leur vie, le vieux se met alors à chanter :

    « Left Louisiana
    Nineteen twenty nine
    To go along the river
    ‘Thout a daddy-blame dime.

    Up old Montana
    In the cold, cold Fall
    I found my father
    In a gam-balin hall.

    Father, father
    Wherever you been ?
    Unloved is lost
    When you so blame small

    Dear son, he said,
    Don’t worry ‘bout me
    I’m ‘bout to die
    Of the misery.

    Went south together
    In an old freight train
    Night my father died
    In the cold, cold rain. »

    Puis plus loin :

    « Been to Butte Montana
    Been to Portland Maine
    Been to San Francisco
    Been in all the rain
    I never found no li’l girl.

    Cross the Brazos river
    Cross the Tennessee
    Cross the Niobrara
    Cross the Jordan sea
    Lord, Lord,
    I never found no li’l girl.

    Home in Opelousas
    Home in Wounded Knee
    Home in Ogallala
    Home I’ll never be
    Lord, Lord,
    I never found no li’l girl. »

    Nous avons là l’ensemble du texte de « On the Road », seuls quelques détails changent mais ils sont significatifs : dans la version chantée par Kerouac, la Louisiane est devenue New York, le père ne meurt plus de « misery » mais de « pleurisy » et le protagoniste ne part plus de chez lui en 1929 mais en 1949, en clair c’est adapté à la vie de Kerouac.

    De là, la question se pose : Kerouac a-t-il réellement écrit cette chanson ou l’a-t-il « volé » au « vieux vagabond noir »?
    On sait que les écrits de Kerouac sont tous très fortement autobiographiques, il voulait raconter sa vie sans fard et sans détour mais on sait aussi qu’il a beaucoup romancé, parfois sous la pression de ses éditeurs et parfois pour des raisons littéraires ou poétiques. Donc, cette histoire est-elle vraie ? Le « vieux vagabond noir » existe-il ou n’est-il qu’un symbole ?

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    Récemment publiés en France, les « Journaux de bords 1947-1954 » de Jack Kerouac font ressurgir la chanson puisqu’elle figure dans un des carnets mis à jour. On découvre donc la toute  première trace de ce texte sous la simple mention « Song » dans le cahier que Jack a appelé « Rain And Rivers » et dont les écrits vont de 1949 à 1954. Les paroles sont, pour le coup, vraiment très similaires à celles que Jack chantera sur le magnétophone. 1949, New York, la pleurésie, tout est déjà là, par contre il n’y a que la première partie de la chanson, et aucune mention d’un vieux vagabond ni d’un restaurant à Des Moines dans le reste du carnet…

    Kerouac a-t-il écrit la chanson avant de l’adapter au récit du « Blues de la bagarre… » ou est-ce le vagabond qui lui a soufflé ce blues qu’il a ensuite accordé à son histoire ? Difficile à dire. Kerouac ne s’est jamais gêné pour entretenir son propre mythe et beaucoup de gens s’imaginent encore qu’il n’a mis que trois semaines à écrire « Sur la route » alors que ça lui a pris des années. On l’imagine donc parfaitement mentir sans remord à un magnétophone, d’autant qu’il devait déjà présumer à cette époque – ne serait-ce que par pur orgueil – que les bandes seraient exhumées après sa mort ! Cependant, il est aussi tout à fait possible que la chanson vienne de lui et que le vagabond noir ne soit qu’une figure, une personnification des nombreux « hobos » rencontrés et admirés sur la route par Kerouac. Au final, la vérité se trouve probablement quelque part entre les deux, quelque part entre la chanson écrite rapidement puis enregistrée le soir même sur un magnéto et la complainte chantée par un vagabond mythifié dans un restaurant de Des Moines, Iowa.

    En 2006, Tom Waits sortira une nouvelle version de « On the Road », ce coup-ci rebaptisée « Home I’ll Never Be », probablement la plus belle interprétation de ce texte d’origine, un peu, mystérieuse.

    . . .