(Sur un air de sevdah – part. 6 / Il n’y a pas de fin – part. 15)
The roads never lead where they’re supposed to go(Les routes ne mènent jamais là où elles sont censées aller) est un vers extrait du morceau Drenched de Calexico, écrit par Joey Burns.
« Mois et jours sont passants perpétuels, les ans qui se relaient, pareillement sont voyageurs. Celui qui sur une barque vogue sa vie entière, celui qui la main au mors d’un cheval s’en va au-devant de la vieillesse, jour après jour voyage, du voyage fait son gîte. » Bashō
Podgorica 2MunichNikšić 1Lovran 1Nikšić 2
« Our endless and impossible journey toward home is in fact our home. » David Foster Wallace
Zagreb 1Zagreb 2GrazLacs de Plitvice 1Nikšić 3Brčko
« Au ras du sol s’allumaient des lumières, et le fleuve invisible appelait à lui, comme toujours, le peu de vie qui restait dans la ville […] la patrie de la Révolution était dans l’ombre verdâtre de ces fonderies […] et ces marcheurs misérables qui se perdaient dans la brume gluante où les lanternes devenaient de plus en plus nombreuses avançaient tous dans le sens du fleuve […] avec leurs gueules de défaites, présages chassés vers lui par la nuit menaçante. » André Malraux
Lacs de Plitvice 2Lovran 2Lovran 3Gradiška 1
« This part is my part of the movie, let’s hear yours. » Jack Kerouac
Gradiška 2
Photo en une : Nikšić 0
Lieux : Munich (Allemagne), Graz (Autriche), Brčko, Gradiška (Bosnie-Herzégovine), Lacs de Plitvice, Lovran, Zagreb (Croatie), Nikšić, Podgorica (Monténégro), Belgrade (Serbie)
Le premier article revenait sur mes deux séjours à Sarajevo cette année. Dans celui-ci, il sera question des autres villes que j’ai visité en Bosnie-Herzégovine en 2025, à savoir Vitez, Jajce, Doboj, Tuzla, Brčko, Bijejlina, Gradiška et Foča, avec toujours en toile de fond quelques notes de sevdah !
J’ai trouvé plusieurs morceaux de sevdah qui évoquent Tuzla : Ječam žele Tuzlanke djevojke par Zora Dubljević, ou Gornju Tuzlu opasala guja par Nedžad Salković (et son clip… surprenant !). Je n’en connais pas qui évoque les autres villes de cet article, mais je ne serais pas étonné qu’il en existe tant cette musique chante souvent les cités bosniennes : Višegrad dans le célèbre U lijepom starom gradu Višegradu (par Hizmo Polovina), Mostar dans Mostarski dućani (par Mostar Sevdah Reunion), Sarajevo dans Sarajevo behara ti tvoga(par Nada Mamula), ou encore Banja Luka dans Kolika je šeher Banjaluka par Emina Zečaj, accompagnée au saz par Selim Salihović dans le clip qui suit.
L’immense majorité de ces chansons relèvent du « domaine public » et ont été reprises par de nombreux interprètes de sevdalinka.
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Il y a peu de voyageurs qui s’arrêtent à Vitez, encore moins pour y rester deux jours complets. On ne fait pas beaucoup de photos à Vitez et il n’y a rien de particulier à visiter. C’est une petite ville pas très loin de Travnik, on s’y arrête quand on a envie de prendre son temps et de trainer un peu avant d’arriver à (ou en partant de) Sarajevo.
Je me suis arrêté à Vitez parce que c’était sur ma route entre Jajce et Sarajevo. Jajce, j’y étais déjà allé, c’est probablement une des plus belles villes de Bosnie avec ses cascades magnifiques et sa forteresse médiévale. J’ai déjà publié pas mal de photos de Jajce dans Bosnia, donc ici une seule suffira, prise dans les petites ruelles de la vieille ville…
Doboj, où j’ai passé deux jours en juillet, a été une belle découverte. Dans la « ville haute », une atmosphère vraiment spéciale et une belle forteresse offrant une vue magnifique sur la « ville basse », plus moderne et assez vivante, avec son grand parc en plein centre-ville, au milieu des restaurants et des magasins.
Pour ce qui est des magasins, moi en général je n’en cherche qu’un seul type : les disquaires. Hélas, on en trouve très peu en Bosnie, acheter des CD ou des vinyles est une gageure. Et pourtant, à Tuzla, il existe un stand de rue dans le centre-ville où, pour le coup, on trouve vraiment beaucoup de CD de toutes époques et de tous styles ! On l’avait découvert lors de notre première virée dans cette ville en 2022, et j’y suis retourné cette année. La sevdah, on a appris son existence ici en parlant avec le « disquaire des rues ». Trois ans plus tard, j’y ai racheté une pile de CD histoire de parfaire mes connaissances…
La « mosquée colorée » de Tuzla (Atik Behram-begova džamija).
Une autre ville où j’étais déjà allé et où je suis retourné en mai 2025, c’est Brčko. Brčko est située tout au nord de la Bosnie, au bord de la magnifique rivière Save qui court de la Slovénie jusqu’à Belgrade, en Serbie, où elle se jette dans le Danube. Cette ville avait été un de nos coups de cœur en 2022, on y avait vécu des trucs assez dingues… Juste avant d’y retourner cette année, je suis passé par Bijejlina, une quarantaine de kilomètres plus à l’est. C’est une ville qui m’a moins marqué même si elle n’est pas inintéressante non plus !
La première photo a été prise à Bijejlina, la seconde à Brčko. Pour plus d’images et d’infos sur cette dernière, voir Épisode 15 : Brčko.
Pour la prochaine ville, on reste dans le nord et au bord de la Save, avec Gradiška qui, comme Brčko, est une ville frontière. En effet, dans ces deux villes, il suffit de traverser un pont pour être en Croatie. Évidemment, cette frontière n’existait pas il y a encore trente-cinq ans, à l’époque de la Yougoslavie socialiste.
Située sur un des grands axes routiers de la région, Gradiška est un lieu de passage pour d’innombrables camions transportant leurs marchandises vers l’Union européenne. Il y en a tellement que certaines rues de la ville semblent être entièrement dédiées à ces engins qui patientent des heures et des heures avant de pouvoir passer la frontière. Mais le bon côté de Gradiška, c’est qu’elle est au bord de la Save et que donc, comme à Brčko, on y trouve des coins magnifiques et un coucher de soleil splendide.
J’ai passé mes derniers jours en Bosnie-Herzégovine fin juillet dans la petite ville de Foča, qui se situe complétement à l’opposé de Gradiška, c’est à dire plein sud, non loin de la frontière monténégrine.
Foča a été particulièrement touchée durant la guerre de Bosnie et a vu sa population diminuer de moitié à la suite d’un véritable nettoyage ethnique en avril 1992. Aujourd’hui, certains quartiers semblent encore quasiment inhabités et comme figés dans le temps. Le centre-ville se veut plus moderne et plus vivant mais je n’y ai pas vraiment trouvé mon compte… Je dormais dans un quartier excentré de la ville, dans une guesthouse d’un autre âge où j’ai néanmoins fait une des rencontres les plus marquantes de mon voyage, en la personne de son propriétaire.
Il m’aura donc fallu plus d’un an pour finaliser ce vaste récit de voyage composé de 26 articles, 26 bandes-son/field recordings, de dizaines de photos et même de posts « hors-séries » ! Mais c’est que le périple fut impressionnant :
– Parti le 1er août 2022, je suis revenu le 9 novembre 2022, soit exactement 100 jours de voyage (ce qui était parfaitement involontaire) ! – J’ai parcouru environ 7220 kilomètres, en bus et en train uniquement. Le chiffre est approximatif mais c’est dans ces eaux-là… – J’ai dormi dans 32 villes et 7 pays différents, même si 6 de ces pays n’en formaient qu’un seul il y a encore une trentaine d’années… – Et, accessoirement, j’ai réalisé plus de 20 heures d’enregistrements audio avec mon recorder Zoom H4N Pro !
De ces nombreuses heures d’ambiances sonores, j’ai donc tiré 26 pistes, désormais regroupées en un album de 1 heure 47 minutes baptisé A Hundred Days in the Balkans (Cent Jours dans les Balkans), disponible en téléchargement sur Bandcamp.
L’album est téléchargeable gratuitement mais vous pouvez aussi payer ce que vous voulez pour soutenir Zuunzug. Il y a juste à inscrire la somme (0 ou plus) après avoir cliqué sur Acheter l’album numérique/Buy digital album.
La qualité des morceaux est assez inégale, cela est dû non seulement aux enregistrements – qui ont été réalisés dans des conditions parfois très différentes les unes des autres – mais aussi à quand et où j’étais lorsque j’ai retravaillé mes field recordings pour en faire les bandes-son des articles. J’ai en effet commencé à bosser sur ce projet dès le mois d’août 2022, alors que le voyage ne faisait que débuter et que je n’avais évidemment pas accès à mon home-studio. À mon retour, la réalisation des morceaux s’est encore étalée sur un an, avec une façon de travailler et des idées qui ont évolué au fur et à mesure, il n’a donc pas été facile d’harmoniser la qualité sonore tout au long du processus ! Malgré ça, je pense que cet album garde une certaine forme de cohérence, qu’on peut l’écouter d’une traite et que le son reste relativement correct de la première à la dernière piste.
Et ce sera donc par ce recueil d’ambiances sonores que je clôturerai enfin la « saga » 100 jours dans les Balkans. Merci à tous ceux qui ont suivi mes interminables aventures 😉 Dans un souci de clarté (difficile à obtenir dans les limites du format blog), je remets ici tous les articles dans l’ordre :
« Tout ce qu’en cet instant je ressentais et comment, ce que je voyais, sentais, entendais, concevais, comprenais, nul ne l’avait sans doute jamais ressenti auparavant, ni ne le ressentirait. Le pire, c’est que je n’ai jamais pu raconter ça à personne, et que ce soit compréhensible ou ne serait-ce qu’un tant soit peu crédible. Ce dont je vous parle est moins tangible encore qu’une ombre dans une chambre sombre. » Bekim Sejranović (Ton fils Huckleberry Finn)